Election présidentielle: l’UE n’était présente que dans 940 bureaux de vote sur 20.000
Dans le rapport qu’elle a rendu public mardi à Abidjan sur sa présence en Côte d’Ivoire pour le suivi des deux tours du scrutin présidentiel au mois d’octobre et de décembre dernier, la Mission d’Observation Electorale de l’Union Européenne appose le sceau de la qualité sur le déroulement de l’élection présidentielle.
« La mission conclut que le processus électoral a été correct et que les résultats annoncés par la CEI sont crédibles. Elle estime que la certification du processus par le RSSG, dans le cadre de son mandat, correspond à ce que la Mission a observé », écrit-elle dans le rapport, disponible sur son Website : www.eueom-cotedivoire.org.
Certes, mais l’observation européenne n’a pas couvert toute l’étendue du territoire doté de 20.000 bureaux de vote. Elle n’en a même pas couvert le quart soit 5000 vu qu’elle n’avait mobilisé que 120 agents observateurs.
Cette remarque dénuée de dénigrement est confessée par la Mission elle-même dans son rapport, car son chef Cristian Preda fait une précision de taille : « les 120 observateurs ressortissants de 23 pays de l’UE, de la Norvège et la Suisse, ont été présents dans tous le pays pendant les deux tours, le 31 octobre et le 28 novembre. Ils ont suivi tout le processus préparatoire organisé par la Commission Electorale Indépendante, analysé la campagne, la couverture assurée par les médias, la législation ivoirienne et sa mise en œuvre en relation avec les normes internationales applicables aux élections démocratiques. Ils ont observé le scrutin dans 4,7 % des 20 000 bureaux de vote, les opérations de dépouillement, la compilation, la proclamation des résultats, donc l’ensemble du processus, en suivant la méthodologie reconnue de l’Observation électorale Européenne, en toute indépendance et neutralité ».
Une arithmétique élémentaire montre que 4,7% de 20.000 bureaux de vote est égal à 940 bureaux de vote, un panel infiniment petit et insuffisant pour servir de référence dans une « élection historique » comme celle qu’a connue la Côte d’Ivoire les 31 octobre et 28 novembre 2010.
Les conclusions de la mission ne peuvent contribuer à aider la Côte d’Ivoire à progresser vers la résolution de la crise que traverse aujourd’hui le pays contrairement à ce prétend le chef de la mission européenne, car ses conclusions contribueront plutôt à enfler la polémique.
Il suffit d’ailleurs de se référer au témoignage poignant de l’homme d’affaire français Frédéric Lafont, propriétaire d’avions commerciaux, qui a déclaré avoir évacué d’ « urgence » des observateurs UE « alors qu`ils étaient en difficulté dans le nord du pays » où justement « il y a des cas de fraudes massives », selon le camp du président sortant Laurent Gbagbo, ré-« élu » comme l’a proclamé le Conseil constitutionnel.
Frédéric Lafont a avait été ciblé pour des sanctions de l’Union Européenne avant d’être épargné après le démenti qu’il a porté, rétablissant son innocence devant les accusations d’entrave au processus de paix.
Joseph Koffigoh, ancien Premier ministre du Togo a rendu officielles les conclusions de la mission d’observation qu’il a conduite en Côte d’Ivoire. Voici quelques lignes des remarques faites le 30 novembre 2010 par cette mission.
« Au terme de la mission, les observateurs de l’Union Africaine ont fait les constats suivants :
- La participation relativement massive des électeurs particulièrement aux premières heures du scrutin ; - la présence remarquée des forces de l’ordre sur les lieux de vote ; - la disponibilité des agents électoraux ; -la disponibilité du matériel électoral dans la plupart des bureaux de vote ; -le déroulement du scrutin dans la discipline et la sérénité dans la majorité des bureaux de vote.
- La mission a relevé avec regret : des actes de violence graves notamment des pertes en vies humaines, des atteintes à l’intégrité physique, des séquestrations, des intimidations, des tentatives d’enlèvement et de dégradation du matériel électoral.
Autant d’éléments qui devraient faire l’objet d’une appréciation minutieuse de la part des organes compétents afin de déterminer leur impact sur le scrutin.
En outre la mission déplore : - L’ouverture tardive de certains bureaux de vote ; - Le manque de sticker dans certains bureaux de vote ; - Le climat relativement lourd aux alentours des lieux de vote.
- Enfin, la mission déplore la séquestration de deux de ses observateurs et remercie les agents de l’ONUCI pour le dénouement heureux intervenu à temps.
Mais le Premier ministre et ses collaborateurs ont été circonspects ne ces termes : « Sous réserve de l’appréciation par les institutions compétentes de l’impact des actes de violences et d’intimidations sur le scrutin, la mission d’observation de l’Union Africaine juge globalement satisfaisant le déroulement du second tour de l’élection du président de la République en Côte d’Ivoire ».
Ce rappel vaut, pour dire qu’il fallait de la réserve dans le jugement.