LETTRE OUVERTE D’UN SEMINARISTE AUX EVEQUES DE L’EGLISE DE CÔTE D’IVOIRE

Publié le par thruthway

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Permettez-moi d’ouvrir cette plume par cet aphorisme que je tiens du professeur Joseph Ki-Zerbo : « L’intellectuel doit proclamer ce que chacun sait et tait […] Il doit être conscient que les raisons de vivre sont aussi celles de mourir »

 

C’est  en ma qualité d’intellectuel africain (mais surtout du futur prêtre d’un diocèse de la côte d’ivoire) attristé par la souffrance que vit le peuple ivoirien, qu’en ce jour de la pentecôte je fais le pari de vous adresser cette lettre afin de vous proposer un défi, celui de la vérité et du courage évangélique que vous ne cessez de nous inculquer depuis bientôt 6 ans que Je suis en chemin pour le sacerdoce.

 

Votre rôle de pasteur vous engage, je le sais et point besoin de vous définir le sens de ce mot, à un devoir de vérité ; et c’est pour vous rappeler ce noble devoir que ma plume se dresse pour s’indigner par le biais de son encre rouge du mutisme qui est le vôtre dans ce pays d’Houphouët Boigny, terre d’espérance et d’hospitalité jadis vitrine de l’Afrique de l’ouest.

 

Sous votre regard de pasteur des loups sont entrés dans l’enclos ivoirien  pour emporter une de vos brebis voire même vider de leur sang plus d’une si elles ne sont pas en errance quelque part hors de leur enclos originaire. Où étiez-vous donc ? Qu’aviez-vous fait  de votre bâton de pasteur censé s’opposer à toutes formes d’intrusions et de violations de votre périmètre pastoral ? Entendez-vous le bêlement de toutes ces brebis sans défense et livrées à elles-mêmes dans un pays où vous avez reçu mission de pasteur ?

 

La situation que traversent ce pays et ses habitants m’interpellent moi le futur prêtre gardien de la vérité et de la justice. C’est pourquoi au nom de cette vérité et de cette justice je viens frapper à la porte de votre conscience d’homme de Dieu, mais surtout d’homme de vérité  pour que vous vous réveilliez de votre sommeil qui n’a que trop duré.  Un sommeil qui semble emporter comme un Tsunami vos protégés car des espèces affamés et assoiffés de vengeance ont été déversés dans votre bel enclos.

 

Si Le 17 janvier 1961, date de l’assassinat de Patrice Lumumba par la main noire de l’homme blanc, fut le spasme ultime de l’occident, comme le dit Ludo De Witte à la suite de Frantz Fanon, détruisant le développement indépendant et authentique du continent africain, il n’en demeure pas moins vrai que le 11 avril 2011 fut pour le continent noir le coup de massue de trop qui enlèvera à l’homme noir toute son humanité. Perte de  dignité devrais-je dire !  Car l’ancestral adage africain « le ligne sale se lave en famille » a été désacralisé en ce jour sombre. Gbagbo Laurent évidemment, le récalcitrant, le dictateur, le Wanted enfermé dans un bunker, le monstre faiseur de charniers, le tueur des « 7 femmes » d’Abobo, une commune où régnait un certain commando invisible devenu visible quand il a fallu lui dire merci pour service rendu un soir du 27 avril 2011, a été déporté sous votre regard hagard par des loups venus d’ailleurs sans que les pasteurs que vous êtes n’ayez eu la force nécessaire pour faire front à cette infamie.

 

Vous avez laissé faire car ces loups avaient des crocs menaçants à votre endroit.  Apeurés vous avez sans doute jugé bon de  fermer les yeux sur ce drame indicible qui se produisait dans votre enclos. La peur ma foi n’est pas le commerce du pasteur, car son rôle est de veiller sur sa brebis à travers un courage qu’il puise dans la foi en Dieu et en la vérité qui est le partage de tous ceux qui prenne le parti de la justice. Je vous concèderai certainement cette peur car le loup en face répète à tue-tête à qui osera s’opposé à lui le chemin du cimetière.

 

Oui chers pasteur je peux comprendre votre peur, mais je ne peux accepter votre mutisme et votre manque de courage. Car le courage se jauge  par notre capacité à surmonter notre peur.  Saint Etienne le premier martyr de l’Eglise post-messianique ne nous a-t-il pas montré ce chemin du courage  et du dire vrai ? Que dire de saint Maximilien Kolbe ?  il est dit de lui que le 14 août 1941, dans le camp de concentration d’Auschwitz, le Père Kolbe, révolté sans doute mais habité par un désir de justice face aux pleurs d’un père de famille, demanda à mourir à la place de ce dernier afin d’apporter un espoir de vie à une femme et ses enfants. On voit par ce témoignage que la figure du pasteur est celle qui vient à la rencontre de ces brebis afin de veiller sur elles.

 

Alors chers pasteurs sachez qu’il y a un temps pour la peur et un temps pour le courage. Le bienheureux Jean Paul II ne disait-il pas au début de son pontificat « n’ayez pas peur » ? Votre défi  est donc celui-ci : quittez votre peur de Gethsémani (car votre Maître le Christ l’a connu cette peur) et prenez le chemin du courage qui mène à Golgotha (là encore votre Maître le vrai Pasteur demeure un modèle). Je ne vous invite pas au suicide - non ! Loin de moi ce sentiment car la vie est sacrée - mais je vous invite à ce que Jankélévitch a appelé « la philosophie à l’endroit ». Habités par cette philosophie dite de l’endroit vous deviendrez, par vos actes et paroles, pour toutes ses brebis apeurées, exilées, embastillées, affamées et violées dans leurs dignités, des pasteurs courageux capables de remettre à l’endroit ce qui était à l’envers.

 

Oui chers pasteurs de côte d’ivoire, en ce jour de la pentecôte, laissez vous inspirer par le courage de Pierre et de ses compagnons (Actes 2, 1-36), qui, quoique apeurés, finiront par trouver en eux, sous la conduite de l’Esprit saint, la force nécessaire pour proclamer leur part de vérité dans l’épisode qu’ils ont connu. Je vous invite, moi votre brebis, observateur lointain, mais proche de la situation que traverse ce beau pays, dont le peuple est victime d’un « rattrapage » et d’une barbarie sans précédant, à emprunter le chemin de la vérité menant à la vie : N’est-ce pas là la trilogie qui détermine la personne même du Christ en tant qu’il est pour l’humanité le chemin, la vérité et la vie ?

 

Ce chemin de l’endroit, ce chemin de la vérité et du courage est le seul gage d’une réconciliation dans ce pays de feu le Cardinal Yago, du cardinal Agré, de feu Monseigneur Kélétigui, des évêques émérites Bruno Kouamé, Dakoury, Laurent Mandjo et j’en passe…votre engagement déterminera la suite de cette crise que nous vivons et qui s’annonce palpitante avec ses cohortes de règlements conte et de détournement de biens public. Je retiens que votre honorabilité sera à la mesure de votre engagement pour l’avènement de la vérité. Ce peuple fera sienne la maxime de l’Apocalypse 3,16: « Ainsi, puisque te voilà tiède, ni chaud, ni froid, je vais te vomir de ma bouche ». Oui ce peuple vous vomira malgré leur grande foi en notre seigneur. L’archevêque Toumi du Cameroun sur Rfi avait déjà décrié votre tiédeur  et cette peur.

Chers pasteurs de la terre d’Eburnie osez la vérité et votre peuple sera libre et heureux. De tous les coins de  ce pays se lèvent des cris de détresses et de deuils car ces loups n’ont égards pour ses habitants. Même s’ils ne sont pas tués à la mitraillette, ils le sont moralement car victime de « rattrapage ». La cherté de la vie, les licenciements, les violations des droits naturels sont devenues des faits de l’ordre du quotidien. Bref ! Je veux m’arrêter ici espérant que votre premier geste consistera à rédiger un courrier à l’endroit de la cour pénale internationale afin d’exiger le retour de votre fils à la maison car chez vous « le linge sale se lave en famille ». Aussi voudrais-je crois que vous ferez une délégation après lecture de cette lettre pour aller rendre visite à vos brebis (mais surtout pour exiger leur libération sans condition) emprisonnées illégalement et de façon inhumaine dans les centres de détentions du nord de notre pays, cette belle région que l’on est en train de présenter comme étant un Guantanamo  bis.

 

Enfin je veux croire aussi que vous exigerez la réhabilitation des étudiants dans leur droit à la connaissance et à la culture car c’est un crime intellectuel qui se produit à ce niveau. Vous aurez sur votre conscience le trop de chômeurs dans les 10 années à venir car des générations auront été spoliées de cette chance à faire usage de leur capacité cognitive. Sommes toutes je vous prie aussi d’avoir un regard très compatissant pour toutes ces personnes licenciées et sacrifiés sur l’autel des intérêts des amis affairistes de ces loups qui n’ont d’yeux que pour le gain et le profit au détriment de la personne humaine. N’hésitez surtout pas à porter main forte à ces vaillants planteurs spoliés de leurs plantations dans la région de l’ouest montagneuse.

 

Ma pensée va aussi vers nos parents du nord victime d’un otage qui ne dis pas son nom, exigez pour eux aussi un minimum de développement car c’est pour eux que l’on a cru bon de prendre les armes la nuit du 18 au 19 septembre ; aujourd’hui ce peuple du nord (le vrai) semble être oublié dans le partage du gâteau.

 

Chers pasteurs, ma plume à ce stade se vide de son encre rouge, il me reste encore l’encre bleue que j’espère utiliser pour vous dire merci d’avoir pris en considération ce défi que je vous lance.

 

Un futur prêtre qui pleurs pour son peuple et surtout indigné par le silence de ses pasteurs.

Publié dans Religion

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