Non, M. Ouattara il n’y a pas d’apatrides en Côte d’Ivoire, la preuve…

Publié le par thruthway

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1-Un débat fait rage en ce moment en Côte d’Ivoire c’est la  question de la nationalité. Quel est le regard du juriste que vous êtes ?

Merci tout d’abord de me donner l’occasion de m’exprimer  sur les sujets brulants qui préoccupent au plus haut point les ivoiriens, à un moment où, la réconciliation est  en panne, la répression continue de s’abattre sur les ivoiriens et particulièrement sur les « pro-Gbagbo », la démocratie et  les libertés publiques sont confisquées, le Président Laurent Gbagbo fait face à la CPI, les populations de l’ouest du pays continuent de souffrir le martyr …

S’agissant particulièrement du débat soulevé par le projet de réforme de la nationalité, j’ai eu l’occasion de m’exprimer largement sur le sujet dans une contribution parue le 19 juillet 2013 dans le quotidien notre Voie. Je voudrais pour l’essentiel, vous y renvoyer. Dans cette contribution qui se voulait une réponse aux affirmations infondées du ministre Coulibaly Ibrahim Bacongo (CIB) et du Gouvernement sur la question de la nationalité, j’ai essayé de situer les ivoiriens sur cette question, afin qu’ils ne soient abusés par personne. J’ai voulu montrer que si l’Accord de Linas-Marcoussis avait décidé de donner une deuxième chance aux bénéficiaires des options prévues par le code de nationalité du 14 décembre 1961, il n’avait, en aucun cas, décidé d’octroyer la nationalité ivoirienne d’origine à ces personnes, ni demandé de « distribuer » la nationalité ivoirienne à des étrangers qui n’avaient pas exprimé le  souhait de changer de nationalité.


2- Qui sont selon vous  ces personnes bénéficiaires desdites options dont parle l’Accord de Marcoussis ?

Ce sont d’une part les personnes majeures qui résidaient sur le territoire de Côte d’Ivoire et d’autre part leurs enfants mineurs.

Concernant les personnes majeures qui résidaient sur le territoire, mais originaires des autres territoires coloniaux de l’Afrique Occidentale française (AOF), le législateur ivoirien leur a offert à travers l’article 105 du code de nationalité, d’acquérir la nationalité sur la seule base de la preuve de leur résidence en Côte d’Ivoire avant l’indépendance. Ces personnes qui avaient déjà la nationalité de leurs pays d’origine, avaient donc par le biais de l’article 105, la possibilité si elles le souhaitaient, de prendre la nationalité ivoirienne. Cependant, cette option était contenue dans le délai d’un (1) an à compter de l’entrée en vigueur du code de la nationalité. On retrouve les mêmes dispositions dans les codes de tous les pays de la sous-région, mais au Sénégal le délai d’option était de trois (3) mois tandis qu’il était de six (6) mois au Niger. A la pratique cette option n’a pas intéressé sur le coup les étrangers résidents en Côte d’Ivoire avant 1960, et pour cause. Chacun avait le désir légitime de rentrer dans son pays d’origine qui venait d’accéder à l’indépendance (Niger, Haute Volta, Mali, Dahomey, Guinée, Sénégal…).

A Linas-Marcoussis, l’argument de l’ignorance a été invoqué par le RDR au bénéfice de ces personnes, dont certaines seraient encore présentes en Côte d’Ivoire.  On peut à juste titre douter  que ces personnes souhaitaient prendre la nationalité, car, celles qui étaient âgées de  21 ans en 1960, avaient 64 ans au moment des discussions de Linas-Marcoussis. Elles ont aujourd’hui, plus de 74 ans. Les participants à la Table ronde de Linas-Marcoussis ont accepté de donner une deuxième chance à ces personnes, à travers une procédure de naturalisation simplifiée. Le Président Laurent Gbagbo a donné une suite favorable à cette recommandation de l’Accord de Linas-Marcoussis, à travers la loi n° 2004-663 du 17 décembre 2004, les décisions présidentielles n° 2005-04/PR du 15 juillet 2005 et n° 2005-10 du 29 août 2005. Il revenait à celles qui étaient intéressées et au RDR de faire diligence pour tirer tout le bénéfice des mesures adoptées.

Concernant les enfants mineurs nés de parents étrangers, le code de nationalité leur avait également ouvert une option (anciens articles 17 à 23) sur la nationalité ivoirienne. Il reste entendu que ces enfants, naissent avec la nationalité de leurs parents (filiation), qui, eux-mêmes, ont la nationalité de leurs pays d’origines. Mais si à leur majorité, ces enfants souhaitaient prendre la nationalité ivoirienne, ils pouvaient y accéder en faisant une simple déclaration devant les tribunaux (droit du sol). Cependant ils ne sont pas tenus de prendre la nationalité ivoirienne, ils sont libres de conserver leur nationalité d’origine. Cette option faite aux enfants mineurs a été supprimée par le législateur en 1972. A partir de cette date, les enfants de parents étrangers nés en Côte d’Ivoire, peuvent acquérir la nationalité ivoirienne, mais seulement à une procédure de naturalisation. A Linas-Marcoussis, pour les mêmes raisons invoquées de l’ignorance des options, une deuxième chance a également été accordée aux enfants étrangers nés en Côte d’Ivoire avant 1972. Le Président Laurent Gbagbo à travers la loi  et les décisions précitées, a donné une suite favorable à leur naturalisation à des conditions simplifiées, bien entendu,  s’ils le souhaitent et en font la demande.


3- On a aussi parlé de la situation de l’étranger marié à une ivoirienne…

Oui, la troisième mesure préconisée par Linas-Marcoussis, concerne la situation de l’étranger qui se marie à une femme ivoirienne. Le code de la nationalité prévoit  que La femme étrangère qui se marie à un ivoirien acquiert de plein droit la nationalité ivoirienne au moment du mariage. Ce n’était pas le cas pour le conjoint étranger. Le RDR a demandé l’application au conjoint étranger de la situation de la femme étrangère. Préconisé par Linas-Marcoussis, le Président Laurent Gbagbo, a pris les mesures à cet effet à travers les décisions n° 2005-03 du 15 juillet 2005 et n° 2005-09 du 29 août 2005.  


4-Qu’en est-il de la situation des personnes vivant en Côte d'Ivoire avant le 7 août 1960 et qui continuent encore de résider en Côte d’Ivoire.  Le gouvernement parle « d’immigrés de la période coloniale » et les qualifie « d’apatrides » ? Récemment, à l’occasion d’une cérémonie de remise de documents de nationalité à des étrangers d’origine burkinabé, qui s’est déroulée le 4 mars 2013  à Koupela, dans le département de Bouaflé, le ministre de la justice et des droits de l’Homme ainsi que la Représentante du HCR, les ont qualifiées d’apatrides. Selon cette dernière il y aurait environ 1 000 000 de personnes  dans ce cas.  Qu’en est-il exactement ?

Non, Il n’y a pas d’apatrides en Côte d’Ivoire. Ou du moins, les originaires du Burkina Faso, du Mali, du Niger, du Sénégal, de la Guinée, du Bénin…, présents en Côte d’Ivoire avant l’indépendance et dont le séjour sur le territoire ivoirien s’est prolongé selon leur gré, ainsi que leurs descendants, ne sont pas des apatrides. Parler d’apatridie, les concernant, relève de la pure manipulation.

L’article 1er de la Convention de Genève relative au statut des apatrides du 28 septembre 1954 définit l’apatride comme une personne qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. L’apatridie est la situation d’une personne, dont les parents sont inconnus, de sorte que, sa filiation ne pouvant pas être établie, il est impossible de lui trouver une nationalité de rattachement. L’apatridie est aussi la situation d’une personne, qui déchue de sa nationalité d’origine par son Etat de rattachement, n’a pas été naturalisée par un autre Etat. Cette personne se retrouve par conséquent sans Etat de rattachement et donc sans nationalité. Il n’existe pas de situation d’apatridie tirée d’un séjour anormalement prolongé à l’étranger. La nationalité est, si l’on peut dire, viagère, intemporelle. Elle ne se perd pas pour cause d’éloignement de la mère patrie. Il n’existe au monde, aucune législation  qui prescrive la déchéance de nationalité pour cause de résidence prolongée à l’étranger.

 Ainsi donc, malgré le temps passé à l’extérieur de leur pays, les burkinabé, maliens, sénégalais, guinéens… installés en Côte d’Ivoire avant 1960, conservent la nationalité de leur pays d’origine. Pour cela, parler d’apatridie en Côte d’Ivoire, ne correspond à aucune réalité. Les « immigrés burkinabés de la période coloniale » ne sont donc pas des apatrides.  Le ministre de la justice ainsi que la Représentante du HCR, ne peuvent faire croire à personne qu’ils ignorent cette réalité.

Malheureusement, c’est dans cette manipulation grossière de la réalité, qui s’apparente à une fraude sur la nationalité,  que tente  le gouvernement avec la complicité du HCR. Récemment, lors de la remise de documents relatifs à la naturalisation collective de 8133 personnes, d’origine burkinabé, résidant depuis plusieurs dizaines d’années dans la région de Bouaflé (décret n° 95-809 du 26 septembre 1995, signé par Henri Konan Bédié), ces deux personnalités dans un raccourci  inacceptable ont déclaré que ces personnes, qui figurent au journal officiel de 1996 à nos jours, et à qui des exemplaires ont été remis, sont des apatrides d’origine burkinabé, qui « n’appartiennent légalement ni à leur pays d’origine ni à la Côte d’Ivoire ». Mais ce sont les déclarations de la Représentante du HCR au cours de cette cérémonie de remise des documents de naturalisation qui ont le plus choqué : « le HCR a pour rôle de soutenir les Etats pour éviter l’apatridie », avant de révéler, « qu’en Côte d’Ivoire, il y a 950 000 apatrides, dont 600 000 ont déjà été naturalisés, et que le travail continue pour régler la situation des 350 000 cas restants »! (voir, connection ivoir-net du lundi 9 juillet 2013).

En clair, l’on apprend par la Responsable du HCR, que le gouvernement  Alassane Ouattara avec l’appui du HCR, aurait en  secret, naturalisé massivement des étrangers, abusivement qualifiés d’apatrides, sans même prendre le soin d’en informer les ivoiriens. Non, les Burkinabés immigrés de la période coloniale ne sont pas des apatrides mais bien des nationaux du Burkina Faso.

En effet, le code de la famille et des personnes burkinabé du 3 septembre 1992, en son article 140 dispose que : « est burkinabé, l’enfant né d’un père ou d’une mère burkinabé. Cependant, si un seul des parents est burkinabé, l’enfant qui n’est pas né au Burkina Faso, a la faculté de répudier la qualité de burkinabé dans les six mois précédant sa majorité ».

L’article 149 ajoute : « …nul ne peut répudier la nationalité burkinabé, s’il ne prouve qu’il a, par filiation, la nationalité d’un pays étranger et le cas échéant, qu’il a satisfait aux obligations militaires qui lui sont imposées par la loi de ce pays… ».

 Sur cette base, les immigrés burkinabés, présents en Côte d’Ivoire avant l’indépendance ne sont pas des apatrides, mais bien des nationaux burkinabés. Il en va autant pour ceux, arrivés en Côte d’Ivoire après l’indépendance et dont le séjour en Côte d’Ivoire se prolonge. Ils ont la qualité de Burkinabés, en tant qu’ils sont nés d’un parent burkinabé ou sur le territoire burkinabé, tel que stipulé par les différents codes de la nationalité.

 Ces Burkinabés dits «  immigrés de la période coloniale » ne sont pas non plus, comme le prétend le ministre de la justice, dans une situation de non droit. En effet, les codes de nationalité successifs, non seulement  leur octroient de plein droit, la nationalité burkinabé d’origine, mais  leur interdisent également  de répudier la nationalité burkinabé, sauf dans des conditions très strictes. Ainsi même à l’extérieur de son pays, le Burkinabé est et demeure le national de son pays, il conserve sa nationalité burkinabé. Il ne peut perdre cette nationalité, que dans le cas où il prend une autre nationalité, ou par suite d’un acte du gouvernement burkinabé prononçant la déchéance de nationalité. Or, à notre connaissance le gouvernement burkinabé n’a jamais pris un tel acte d’une extrême gravité, privant de leur nationalité, non pas une, mais des milliers de personnes, à qui les lois burkinabé garantissent la nationalité (code des personnes et de la famille : article 140) ainsi que  la libre circulation des personnes et le libre choix de la résidence (Constitution : articles 1er et 9).

 

5- Soit, mais le ministre Coulibaly Ibrahim Bacongo (CIB), soutient que ces étrangers  seraient  plus attachés à la Côte d’Ivoire que les ivoiriens eux-mêmes. 

Je laisse au ministre CIB, le soin d’assumer de tels propos, qui ne reposent sur aucune source officielle, mais plutôt sur un état d’âme. Pour ma part je me garderai d’entrer dans de telles considérations qui n’apportent rien au débat. Je salue l’apport de tous les étrangers à la construction de mon pays, tout comme je salue les sacrifices consentis par les ivoiriens dans leur ensemble, pour bâtir leur pays, dans un esprit d’ouverture et de partage. C’est d’ailleurs pour cette raison que notre code de la nationalité, a prévu des ouvertures pour les étrangers qui souhaitent acquérir notre nationalité ( loi du 14 décembre 1961, article 26). 

 Cependant, je relève que, contrairement à ce qu’écrivait le ministre CIB dans sa réponse à ma contribution, parue dans le quotidien Nord-Sud du 23 juillet 2013, la plupart des études montrent que les immigrés de la période coloniale visés par la réforme Ouattara,  ont conservé de solides  attaches avec leur pays d’origine, le Burkina Faso. Ils  s’y rendent périodiquement et leurs enfants y retournent, surtout pour y poursuivre leurs études universitaires.  Ils y investissent énormément. Une étude basée sur des statistiques du ministère burkinabé de l’économie, révèle que de 1980 à 2008, l’épargne rapatriée au Burkina Faso par les émigrés à travers les circuits officiels, s’élève à 1200 milliards CFA, dont 92% en provenance de la Côte d’Ivoire (soit 40 milliards en moyenne par an). Ce montant doit être multiplié par deux si l’on prend en considération les circuits officieux de transfert d’argent (voir, Edouard Bouda. Le rattachement des Burkinabés de l’étranger à leur pays et leur apport au développement. Mémoire ENAM. Ouagadougou, juin 2009).On peut donc aisément évaluer un rapatriement annuel de 80 milliards de F CFA.  Depuis le 7 mai 2009, une loi permet aux Burkinabé de l’étranger, de participer  aux consultations électorales se déroulant dans leur pays tout en restant à l’étranger, faisant ainsi d’eux des citoyens à part entière du Burkina Faso. Quant à l’Etat burkinabé, il assure de sa protection, ses ressortissants vivant à l’étranger et  a mis en place à cet effet, une structure officielle pour les encadrer. Celle-ci a pour nom le Conseil Supérieur des Burkinabé de l’Etranger (CSBE).  

 Comment peut-on au regard de ce qui précède, sans sourciller, considérer les Burkinabés comme des apatrides ? La « générosité » du gouvernement Alassane Ouattara pour les personnes d’origine burkinabé, qualifiées d’apatrides à la va-vite, avec la complicité du HCR, est d’autant plus suspecte, qu’aucune preuve n’est rapportée par eux, que leur Etat national, le Burkina Faso, leur a retiré individuellement ou collectivement sa nationalité pour cause de résidence prolongée en Côte d’Ivoire.

 Ce qui vient d’être dit des burkinabés est tout aussi vrai pour les maliens, les guinéens nigériens, béninois…, immigrés de la période coloniale.  Considérer les étrangers provenant de la sous-région comme des apatrides relève de la pure manipulation.

D’ailleurs, une telle conception de l’apatridie mettrait bien à mal,  le Protocole de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes, qui prévoit le libre établissement dans les pays membres, si les citoyens de cette organisation sous régionale devraient être considérés comme des apatrides, pour cause de  séjour prolongé hors de leurs pays d’origines !


6- Pourquoi  Alassane Ouattara affirme-t-il qu'il doit régler dans les meilleurs délais les problèmes de nationalité conformément à l'accord de Linas-Marcoussis ?

Bonne question car, ainsi qu’on l’a vu plus haut, l’exécution de l’Accord de Linas-Marcoussis n’exige aujourd’hui aucune  réforme, dans la mesure où, les textes pris par le Président Laurent Gbagbo en application dudit Accord suffisent largement. Il revient à Alassane Ouattara, d’expliquer aux ivoiriens les vraies motivations de la réforme qu’il projette malgré ces textes, dans la précipitation.

 Mais je crois que les ivoiriens ont parfaitement conscience que l’initiative, prise après l’annonce de sa candidature à la présidentielle de 2015, ne vise rien d’autre que la constitution d’une clientèle électorale constituée par les personnes  d’origine étrangère, massivement  et officiellement «  promues à la nationalité ivoirienne », à travers la procédure incontrôlée de la déclaration de nationalité. Aucun ivoirien de bonne foi, ne peut croire que l’initiateur de la réforme est sincèrement animé par le souci d’appliquer l’Accord de Linas-Marcoussis, lui qui a refusé et empêché la mise en œuvre du seul volet de cet accord mis à la charge de la rébellion, à savoir le désarmement. L’élection présidentielle d’octobre-novembre 2010, a révélé que contrairement aux affirmations rabâchées durant des décennies par les media occidentaux, la base électorale du candidat Alassane était bien  étriquée. Or, l’évolution de la situation politique depuis le 11 avril 2011, laisse apparaître que le précieux renfort électoral du RHDP, dont il a bénéficié ne se répétera pas. La réforme entreprise lui permettra d’obtenir son indépendance électorale vis-à-vis de ses alliés.

 

7-Que pensez-vous de la position adoptée par les députés du PDCI à l’occasion de l’examen des conventions sur l’apatridie ?

Je salue cette position courageuse et responsable des députés du PDCI, qui dénote, que sur les questions essentielles, qui mettent en cause l’avenir de la Nation, les ivoiriens, quel que soit leur parti politique, réagissent dans le sens de sa sauvegarde. J’apprends même que des députés RDR ,sous cape, soutiennent le PDCI sur ce point. Après l’épisode vite refermé de la loi sur la famille, où l’on a vu ces députés marquer leur opposition dans un premier temps, pour acquiescer ensuite, après la menace brandie par Alassane Ouattara de dissoudre le gouvernement, j’avoue ma surprise. J’approuve entièrement les analyses qui motivent leur demande d’ajournement de l’examen des deux projets gouvernementaux relatifs à la ratification des deux conventions, sur le statut des apatrides (1954) et la réduction de l’apatridie (1961). Non seulement il n’y a pas urgence en la matière, car l’apatridie, à la vérité, est un phénomène marginal en Côte d’Ivoire, mais en outre la ratification desdites conventions remet systématiquement en cause certaines dispositions de notre code de nationalité autant qu’elle pourrait affecter la loi de 1998 sur le foncier. Comme eux, je l’ai dit, une consultation nationale préalable s’impose, avant l’examen de tout texte portant sur la nationalité.

 

8-On apprend que le gouvernement, en dépit des positions majoritairement  défavorables à La réforme de la nationalité a déposé deux projets de loi. L’un porte sur le statut du conjoint étranger de la femme ivoirienne, l’autre sur les étrangers résidant en Côte d’Ivoire avant 1960 et les enfants nés de parents étrangers avant 1973. Le projet réintroduit la procédure de la déclaration…

Cela montre tout simplement, que les préoccupations du gouvernement sont à l’opposé des soucis des ivoiriens, qui ont pour nom : absence de volonté de réconciliation, insécurité, cherté de la vie, chômage, déficit démocratique… Pour le gouvernement la priorité c’est de donner aux étrangers la nationalité ivoirienne. Il veut procéder à un passage en force, l’on sait à quel dessein. Cette manière de procéder est inacceptable. Le dernier rapport de l’ONU, a pourtant demandé, s’agissant d’une question sensible, de rechercher un consensus national.    Il faut absolument dénoncer la méthode et rejeter la réforme projetée,  autant qu’il faut, dans le contexte ivoirien d’aujourd’hui, marqué par une immigration incontrôlée, en provenance de la sous-région, récuser avec fermeté la procédure de la déclaration.  Le principe a été abandonné par le législateur en 1972 et aucune raison sérieuse n’est avancée en soutien de cette procédure dont l’extrême simplicité ouvrira, à coup sûr, la voie  une fraude massive sur la nationalité, tout comme cela s’est produit à l’occasion du processus d’identification, qui, pourtant, a été conduit sous la supervision de toutes les parties concernées par l’Accord de Marcoussis. Ce qui ne sera pas le cas avec la réforme projetée, qui se déroulera sous le seul regard intéressé du pouvoir en place.

 

9-Certaines personnes soutiennent qu’il y a  un lien entre la nationalité et le foncier. Pouvez-vous être plus explicite ?

Oui, il y a un lien établi par la loi n° 98-752 du 23 décembre 1998 entre la qualité de national ivoirien et  celle de propriétaire foncier. Compte tenu, de l’extrême sensibilité de cette question, tant pour la majorité des ivoiriens qui vivent de l’exploitation agricole que pour l’économie nationale qui en tire l’essentiel de ses revenus, le législateur ivoirien, a réservé la propriété foncière aux seules personnes de nationalité ivoirienne (article 1er al 2). La loi n’a cependant pas remis  en cause, les droits d’usage consentis par les propriétaires de droits coutumiers, aux exploitants des terres, allochtones et allogènes, le plus souvent dans des conditions extra-juridiques qui ne rendent pas véritablement compte des intentions transactionnelles réelles des concernés, et dont la clarification s’impose.


10-Mais quel est le rapport entre la gestion de la question de la nationalité et le foncier rural

La majorité des étrangers que veut « naturaliser » le gouvernement,  sont actifs dans le secteur agricole. La nationalité leur permettra de prétendre à la qualité de propriétaires fonciers et donc de stabiliser définitivement leurs activités économiques et partant leur présence définitive. Récemment, à la suite du conflits entre autochtones et Orpailleurs , le chef du village de Angbovia  (Département de Bouaflé)a déclaré ceci :Les orpailleurs  étrangers veulent devenir des propriétaires terriens.


11-Le problème des étrangers est-il si important en Côte d'Ivoire ?

Officiellement la Côte d’Ivoire compte  28 % d’étrangers sur son sol. Elle est suivie dans la sous- région par le Sénégal avec 3 % de présence étrangère. Au regard de ces chiffres qui se passent de commentaires, il n’est pas possible de complexer les ivoiriens en les traitant de xénophobes, ni de régler la question de l’attribution de la nationalité ivoirienne en dehors d’un réel consensus national. Or, la réforme projetée n’emprunte pas cette voie.


12-La Cpi soutient que les preuves brandies par Bensouda contre le Président Gbagbo sont insuffisantes ?

Pouvait-il en être autrement, quand on sait que l’inculpation du président Laurent Gbagbo par le Procureur de la CPI, relève d’un grossier montage de ses adversaires dont Nicolas Sarkozy, dans le seul but de l’éloigner du terrain politique ivoirien. La cause est perdue si elle est examinée sous l’angle politique qui présente le Président Laurent Gbagbo comme « un rebelle à la recolonisation de la Côte d’Ivoire ». Elle sera en revanche gagnée, si elle demeure sur le plan strictement juridique. Or c’est sous cet angle que les juges de la Chambre Préliminaire I, attendent des preuves effectives de commission d’actes criminels contre l’humanité. La défense du Président a fait un travail remarquable.  Bensouda a été renvoyée pour produire de vraies preuves et non plus des « ouï-dire » de rapports d’ONG humanitaires incomplets ou des medias occidentaux ou pro-Ouattara donnant dans la désinformation. Mais je reste confiant quant à l’issue heureuse de la prochaine audience de la Chambre Préliminaire. Nous l’avons écrit dans une contribution intitulée « l’introuvable crime contre l’humanité du président Laurent Gbagbo », publié dans un ouvrage collectif qui a pour titre «Le président  Laurent Gbagbo à la CPI, justice ou imposture ? », paru aux éditions l’Harmattan  en 2013. Je vous recommande vivement cet ouvrage écrit par des spécialistes, qui apporte de précieux éclairages sur la crise postélectorale et sur le procès du Président Laurent Gbagbo à la CPI.

 

13-La procureure de la Cpi  vient de séjourner en Côte d’Ivoire à la recherche de preuves additionnelles contre le Président Laurent Gbagbo. Au cours d’une conférence, elle soutient qu’elle n’a pas eu de preuves…-N’est-ce pas un désaveu ?

 

Pour qu’il y ait des preuves de crimes contre l’humanité, il faut qu’il y ait eu une telle intention et des attaques ciblant les populations civiles. Le président Laurent Gbagbo n’a jamais eu l’intention de commettre de tels crimes, et il ne s’est pas attaqué à des civils. Il a défendu l’Etat, les ivoiriens et leurs biens contre les forces pro-Ouattara.

 

14-Pourtant, le régime d’Abidjan annonce déjà de nouvelles preuves…

Attendons de voir. Le nouveau document de charges de Bensouda est attendu pour novembre 2013. Nous sommes curieux de connaître le résultat de l’enquête complémentaire. Par exemple, ce que révèleront les expertises pratiquées sur  les sept femmes « tuées » par des tirs de chars au cours de la manifestation d’Abobo- Gare du 3 mars 2011. 

 

15-A Abidjan, il a récemment été  organisé des marches de supposées victimes du Président Laurent Gbagbo pour selon lui, interpeller la Cpi.  Quel est votre avis ?

Manifester est un droit démocratique qui ne saurait être refusé à des citoyens voulant exprimer leur mécontentement face à une situation qu’ils jugent anormale. Toutefois dans le cas de la manifestation organisée au lendemain de la décision d’ajournement prise par la CPI, le mieux selon moi, aurait été soit  de fustiger le Procureur Ocampo qui s’est montré incapable, malgré  les moyens colossaux à sa disposition, d’apporter des preuves irréfutables, soit de procéder à une  remise en cause des idées reçues quant à la responsabilité du président Laurent Gbagbo dans la crise postélectorale. Mais je comprends qu’il faut, pour cela, une dose de bonne foi qui fait malheureusement défaut aux organisateurs, plus enclins à la manipulation, qu’à la recherche de la vérité.  

 

 16-La Cpi refuse d’accorder la liberté provisoire au Président Laurent Gbagbo,  sous prétexte qu’il est populaire…

Hélas, et cela est bien triste. La juge présidente campe sur une position de refus de liberté provisoire purement subjective qui frise l’acharnement. On passe de la popularité du Président  aux réseaux d’amis et de partisans, puis à des projets imaginaires de sa réinstallation au pouvoir par la force.  La juge présidente oublie au passage que tout ceci existait, bien avant le coup d’Etat du 11 avril 2011 qui l’a renversé.   


 17-Dans le camp Ouattara, on dit que libérer le Président Laurent Gbagbo, « c’est bruler la Côte d’Ivoire »…

Non, c’est ne pas le libérer, qui fermera définitivement la voie à la paix et mettra le feu à la Côte d’Ivoire. Libérer le président Laurent Gbagbo, spolié de sa victoire et indûment accusé de crimes contre l’humanité, c’est plutôt donner à la Côte d’Ivoire, déchirée et défigurée par deux décennies de violences pro-Ouattara et de rébellion armée, une véritable chance de réconcilier les ivoiriens et de ramener la paix. Bien entendu les pyromanes impénitents tenteront comme à leur habitude, d’assouvir leur soif de sang et de destruction, que les milliers de victimes innocentes de l’épopée du « brave tchè », n’a pu satisfaire. Bien entendu, des personnes, incapables de comprendre que la démocratie est opposée à la lutte armée, et qu’elle va au-delà de leurs calculs mesquins, tenteront de s’opposer à la marche de notre pays vers un destin d’unité et de progrès. Cette catégorie de personnes continuera d’exister. Mais je suis convaincu qu’après cette crise, sans précédent en termes d’horreur et de haine, leur nombre diminuera au profit d’ivoiriens désireux de mettre fin à la violence gratuite pour rattraper dans l’union sincère, le long retard infligé à notre beau pays.

 

18-Quelle est l’issue que vous entrevoyez pour ce procès ?

Une issue heureuse. La libération du Président Laurent Gbagbo par l’infirmation des charges, pour insuffisance de preuves.

 

19-Pensez-vous qu’un jour, Soro et  ses  ex-chefs de guerre répondront de leurs actes de la Cpi,  comme le souhaitent certaines Ong de droits de l’Homme ?

Les gendarmes et leurs enfants assassinés à Bouaké et à Korhogo de même que les policiers, le réclament. Les danseuses d’Adjanou, les victimes de la rébellion partout en Côte d’Ivoire et particulièrement, celles du 29 mars 2011, à Duékoué le réclament. Laurent Gbagbo, est devant la CPI pour des crimes qu’il n’a pas commis. Pourquoi des personnes sur lesquels pèsent des crimes impossibles à nier,  seraient-elles épargnées. Le pouvoir actuel, a tourné le dos à l’expérience  Vérité-Dialogue-Pardon qui a fait ses preuves en Afrique du sud. Il n’y a donc pas de raison que le camp Alassane Ouattara soit épargné par la justice.   

 

 20-L’Union africaine a dénoncé le complot de la Cpi contre les chefs d’Etat africains. Que pensez-vous de cette démarche ?

Il faut saluer cette réaction de ras-le-bol des dirigeants africains, qui fait suite à plusieurs années d’observations et d’analyse du comportement  de la CPI, fait de partialité quand il s’agit de responsables africains, et de cécité face aux graves agissements des dirigeants du monde occidental. Mais il faut dire que la position de l’UA, est plus motivée par l’instrumentalisation de la CPI, comme moyen de mise au pas de présidents africains indociles ou non favorables au pillage des ressources.

 

21-Pensez-vous que la Cpi est raciste comme le dit l’Ua ?

Dans tous les cas la CPI est dans une logique, plus politique que judiciaire. Ceux qui pour l’heure  en font les frais, ce sont les responsables africains et ceux de l’Europe de l’est. Les Grandes Puissances se sont placées hors d’atteinte en ne ratifiant pas le Traité de Rome. Par ailleurs, Aucun Procureur n’ose s’attaquer à des responsables occidentaux, qui, par ailleurs, sont les financiers de la CPI.  Or la justice ne doit pas avoir des espaces de prédilection où elle frappe sans répit et des espaces tabous qu’elle ne visite jamais. La justice est impartiale ou n’est pas.

 

22- Que dites-vous de  la réconciliation?

Elle s’impose à nous, politiques, par devoir envers le peuple de Côte d’Ivoire. Les ivoiriens ne sont pas des adeptes de la violence, c’est connu. Nous avons une nation à bâtir, dans la paix et dans la justice.

 

23--Que faut-il faire pour réconcilier les Ivoiriens ?

Dans la Côte d’Ivoire, aujourd’hui profondément choquée, défigurée,  où les uns et les autres se considèrent désormais comme des ennemis irréconciliables, attendant de pouvoir se régler les comptes, une seule personne pourrait relever le challenge, c’est Laurent Gbagbo. D’abord, parce qu’il est le grand perdant de toutes ces années de crise qui remontent à septembre 2002. Ensuite, parce que malgré son renversement, il a appelé ses adversaires à passer de la phase militaire à la phase de la discussion politique.  Il faut libérer le président Laurent Gbagbo, libérer tous les prisonniers politiques, ramener au pays tous les ivoiriens en exil et ouvrir de vraies discussions en vue d’exorciser les maux qui minent la Côte d’Ivoire. Si des décisions en ce sens sont prises par le pouvoir en place, les conditions seront alors réunies pour  réconcilier les ivoiriens, entre eux et avec leur histoire.

 

24-Des Ivoiriens soutiennent que la réconciliation est un leurre…

 

Non, ce n’est pas un leurre, c’est une nécessité. La Côte d’Ivoire n’est ni le premier ni le dernier pays à vivre une crise armée insensée, injuste et dévastatrice. L’histoire des peuples est une succession de crises, surmontées grâce à des Grands Hommes au destin hors du commun, mais aussi et surtout, grâce à des Peuples qui ont su tirer de ces douloureuses épreuves, les leçons de maturité qui nourrissent un nouveau projet social commun, bâti sur les expériences passées.

 

25-Peut- il avoir la réconciliation sans la justice ?

 

Le Peuple, en fonction de sa propre histoire, des circonstances particulières qu’il  est appelé à traverser et du futur qu’il projette de bâtir, est le seul  arbitre entre ces deux valeurs apparemment contradictoires. En Afrique du sud, le Peuple a opté pour le dialogue et la réconciliation. Il ne s’en porte mal aujourd’hui.

 

PAR GBANE YACOUBA

Annonceur du Réseau Publicitaire Africawin
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Publié dans Actualités politiques

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