67ème anniversaire du Président GBAGBO : Témoignage de Moïse LIDA Kouassi

Publié le par thruthway

31 Mai 1945 – 31 Mai 2012 67ème anniversaire du Président Laurent GBAGBO : Témoignage de Moïse LIDA Kouassi (ancien ministre d’Etat).

 

 

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Laurent GBAGBO est né le 31 Mai 1945 à Babré, commune de Gagnoa, de KOUDOU Paul et de GADO Marguerite. Son village paternel Mama  est cependant situé à Ouragahio, à une trentaine de kilomètres de Gagnoa. Laurent GBAGBO est à peine âgé de 15 ans quand la Côte d’Ivoire accède à l’indépendance.

 

Une enfance difficile sous le sceau d’un grand destin :

 

Sa vie est marquée par une enfance difficile ; il est très tôt confronté aux affres de la pauvreté. Son père KOUDOU Paul est ancien combattant de la deuxième guerre mondiale, blessé de guerre et évadé. Les prénom et nom qu’il donne à son fils sont doublement symboliques ; le capitaine LAURENT, à qui renvoie le prénom de son fils, est l’officier français qui commandait le détachement militaire dans lequel  KOUDOU Paul a servi pendant la guerre. Le nom GBAGBO est celui de son grand père, le père de KOUDOU Paul, par lequel celui-ci exprime un attachement  au patriarche disparu qui était aussi appelé GBAGBO Séplou. L’appellation Séplou  fait allusion à un oiseau mythique qui a la réputation de prendre de la hauteur, de scruter le lointain et d’être immaîtrisable, dans la mythologie bété. Dans sa région natale Laurent GBAGBO est donc souvent appelé par les siens GBAGBO Séplou.

 

Une fois revenu de la guerre, le soldat  KOUDOU Paul s’essaie à quelques menus boulots avant d’entrer comme sergent de police à la fonction publique post coloniale.

 

L’enfance de Laurent GBAGBO se passe dans une vie de foyer instable ; l’ancien combattant est souvent parti pour des parties de chasse qui l’éloignent pendant des semaines ; Gado Marguérite assure la stabilité de la famille tout en élevant ses deux enfants, Laurent GBAGBO et sa sœur Jeannette KOUDOU. L’élève Laurent GBAGBO est admis au petit séminaire catholique St Dominique Savio de Gagnoa. Il va connaître très tôt la précarité sociale et les difficultés financières, mais il est  incontestablement l’un des plus doués de sa génération.  Il dira plus tard à l’un de ses proches : « j’étais le premier de ma classe, mais c’est les autres qu’on venait déposer  en voiture ».

 

Le sergent de police KOUDOU Paul a servi entre autres à Agboville, à Sassandra et à Gagnoa ; c’est dans ce milieu urbain des petits fonctionnaires que Laurent GABGBO  passe son enfance. Il est souvent obligé de suivre son père dans les villes où celui-ci est appelé à exercer au gré des affectations administratives.  Laurent GABGBO, faut-il le rappeler, n’a pas été élevé comme un enfant bété du terroir. C’est sur le tard que sa petite sœur et lui apprennent le parler bété, qu’ils parlent du reste aujourd’hui parfaitement.

 

KOUDOU Paul qui est un homme de caractère a déjà conscience, comme la plupart des anciens combattants, de ce que valent la liberté, l’indépendance et la souveraineté  pour les peuples africains. Il est remarqué comme un fonctionnaire de police qui rechigne souvent  aux ordres injustes ;  le sergent KOUDOU Paul n’a pas le profil d’un militant du PDCI-RDA. Il est arrêté et conduit en prison dans le fameux complot de 1963-1964. Il a conscience qu’il est arrêté, non pas pour ce qu’il a fait,  mais pour ce qu’il est. En l’absence du père embastillé à la prison d’Assabou,  près de Yamoussoukro, Laurent GBAGBO doit assumer à 18 ans  les responsabilités de père de famille ; il est alors tenté d’arrêter ses études pour trouver du travail afin de pourvoir aux besoins de la famille.  C’est donc dans le dénuement total qu’il passe avec succès son Baccalauréat.

 

 A sa sortie de prison, le père KOUDOU Paul dit à son fils : «  je ne peux te raconter ce qu’on nous a fait subir à la prison d’Assabou  parce que je veux t’éviter d’avoir de la haine pour les gens ».  

 

Cette enfance difficile apparaît cependant comme déjà placée sous le signe d’une grande destinée. Il finit sa propédeutique en lettres classiques et part, boursier, en France pour y poursuivre ses études ; il y fait la connaissance de Gérard COLOMB actuel maire socialiste de Lyon. Revenu en Côte d’Ivoire, il change d’orientation et entreprend d’étudier l’histoire contemporaine parce que, confit-il, « je voulais faire la politique plus tard ». A l’université d’Abidjan, Laurent GBAGBO s’illustre comme un leader estudiantin et se situe naturellement dans le camp opposé au régime de Félix Houphouët-BOIGNY. Il est  le challenger des DJEDJE Mady, EHUI Bernard et autres. Houphouët-BOIGNY va tenter de le récupérer en lui proposant de fortes sommes d’argent. Il s’en ouvre à son père qui le renvoie à sa conscience. Laurent GBAGBO refuse de se laisser corrompre. Il manifeste ainsi déjà sa raideur morale et son mépris pour l’argent sale.

 

Une carrière d’enseignant-chercheur sous surveillance policière :

 

Laurent GBAGBO enseigne à 27 ans comme professeur d’histoire au Lycée Classique d’Abidjan.  Dans ce quartier huppé de Cocody, l’orientation de ses cours où il dénonce l’impérialisme,  ne plait pas aux barrons du parti unique de l’ère Houphouët. La popularité croissante du jeune enseignant ne laisse pas indiffèrent : il est souvent invité à prononcer des conférences publiques par les élèves et étudiants qui apprécient ses analyses critiques. Il est arrêté avec Djéni KOBENAN, BOGA Doudou, Aboudrahamane Sangaré, Laurent Akoun etc. et conduit,  pour « rééducation » pendant deux ans, dans les casernes militaires de Séguéla, Bouaké et  Korhogo. C’est en étant en captivité qu’il conçoit et écrit sa première pièce de théâtre : Soundiata Kéita, le lion du Mandingue. Une œuvre prémonitoire.

 

Libéré, Laurent GBAGBO reprend  sa carrière d’enseignant-chercheur à la fonction publique. Après la soutenance du Doctorat en Histoire, il passe rapidement Maître de recherches et Directeur de l’Institut d’Histoire, d’Art et d’Archéologie d’Abidjan(IHAAA). Il fait la connaissance de celle qui sera plus tard son épouse : Simone EHIVET exerçant elle aussi en qualité de chercheur au GRTO et militante comme lui dans une cellule marxiste clandestine. Le couple fait souvent l’objet de mesures de mise en résidence surveillée. C’est de cette position que suite à une  grève survenue à l’université,  Laurent GBAGBO est accusé, avec le professeur ZADI Zaourou, d’être les cerveaux d’un « complot bété » contre le Régime PDCI. Laurent GBAGBO qui a déjà eu l’idée de fonder un parti politique clandestin avec  son ami  Assoa  ADOU à Strasbourg, est  poussé à l’exil en France en 1982. Il y fait la connaissance d’un autre ami, Guy LABERTIT, un militant du parti socialiste français. Avec  Ahoua Don MELLO et d’autres étudiants ivoiriens en France, il crée le MIDH et publie, au nom de ses camarades de lutte, l’ouvrages intitulé : « Côte d’Ivoire, pour une alternative démocratique »(1983), un violent réquisitoire contre  le régime d’Houphouët- BOIGNY.

 

Après la fondation effective du FPI dans la clandestinité avec ses camarades Pascal KOKORA, BOGA Doudou, Simone EHIVET, Aboudrahamane SANGARE etc., c’est en exil en France qu’il publie au nom de ce parti « propositions pour gouverner la Côte d’Ivoire ». (1987)

Revenu en Côte d’Ivoire au terme de six années d’exil, il participe au congrès constitutif  du FPI à Dabou avec BOGA Doudou, ANAKI Kobenan, Dr Richard KODJO, Khalifa TOURE, Maurice BAMBA et autres. Il est désigné Secrétaire Général du parti et  s’engage dès 1990 dans la lutte pour la restauration du multipartisme et des libertés démocratiques.

 

Un homme d’Etat constamment combattu mais déterminé :

 

En Octobre 1990, il est candidat au scrutin présidentiel face à Félix Houphouët- BOIGNY. Il recueille un peu plus de 18% des suffrages malgré les tripatouillages évidents du scrutin par une administration acquise au PDCI.  En 1992, il est à nouveau arrêté lors d’une marche de protestation pacifique organisée par l’opposition, le jeudi 18 février, contre l’impunité.  Il est jeté à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan avec son épouse Simone EHIVET, son fils Michel GBAGBO et la plupart de ses compagnons de lutte, COFFI Ahibo, LIDA Kouassi,  OURAGA Obou, MOLLE Mollé, KOUDOU Kessié, DEGNI Séguy, BAMBA Souhalio, TOURE Khalifa, KOUABLAN François, GNAOULE Oupoh etc. Ils ne seront libérés qu’au terme de six mois de détention. Après l’intermède d’Henri Konan BEDIE, il est à nouveau candidat à l’élection présidentielle face au général Robert GUEI ; il accède enfin au pouvoir d’Etat par le verdict des urnes, avec le Front Populaire Ivoirien, le 26 octobre 2000.

 

On connaît la suite : son régime fait face à un coup d’Etat manqué dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002 ; ce coup d’Etat manqué, soutenu par  la France de Jacques CHIRAC au profit de Alassane Dramane Ouattara, se mue en une rébellion armée  qui occasionne la partition du pays.

 

Malgré son engagement pour ramener la Côte d’Ivoire à la paix et à la réunification, à travers l’accord politique de Ouagadougou (2007), Laurent GABGBO se heurte à  l’hostilité du nouveau président français Nicolas SARKOZY qui dresse contre lui toute la communauté internationale (France, Union européenne, ONU).

 

Dix ans plus tard, malgré la partition du pays dont la moitié nord reste occupée par la rébellion armée de Guillaume SORO, il remet son mandat en jeu contre Alassane Dramane OUATTARA. La victoire de Laurent GBAGBO proclamée par le Conseil Constitutionnel, est cependant  contestée par la France de Nicolas SARKOZY, l’UE et l’ONU qui décident de le déloger  du pouvoir par la force  des armes et d’y installer Alassane Dramane OUATTARA.

 

 Ainsi, Laurent GBAGBO qui a lutté durant des décennies pour les libertés démocratiques, sans jamais recourir aux armes, est-il injustement qualifié de dictateur, stigmatisé à outrance, destitué par la force et embastillé à Korhogo avant d’être transféré à la Cour Pénale Internationale  à la Haye.

 

Malgré tout, Laurent GBAGBO demeure pour la plupart des ivoiriens un leader charismatique dont ils ont épousé le combat avec conviction, avec engagement et absolu dévouement. Il est à considérer comme une grande figure politique de notre continent et comme un authentique homme de gauche, soucieux d’une nécessaire révision des relations franco-africaines et d’une Refondation des indépendances nationales. Il est surtout le fervent défenseur d’une certaine idée de la souveraineté des peuples africains et d’une architecture renforcée des intégrations régionales en Afrique.


Bon anniversaire, monsieur le Président !

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