Côte d'ivoire: ETUDE CRITIQUE DU RAPPORT DU GROUPE D'EXPERTS DE L'ONU

Publié le par thruthway

 

ETUDE CRITIQUE DU RAPPORT DU GROUPE D'EXPERTS DE L'ONU 

 

http://t3.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcRkjyrrv9_dV9KfvwWy9sBEuTYEU08HY4m3ue56KeHsBGv9f-izRddXM0kPKQ

 

 

Introduction : pourquoi cette étude ?

 

Le Groupe d'experts de l'ONU sur la Côte d'Ivoire vient de publier son rapport de mi-mandat, le 15 octobre 2012, sous la référence S/2012/766.

 

La Coordination FPI en exil, démembrement du FPI, parti du Président Laurent Gbagbo, a lu attentivement ce rapport et s'interroge. A quelles fins, le Groupe d’experts du Comité des sanctions sur la Côte d’Ivoire a-t-il produit à mi-mandat, un rapport délibérément tendancieux, à vocation manipulatoire à l’encontre des proches du Président Laurent Gbagbo en exil au Ghana, au Togo et au Benin ? Un rapport partial, peu soucieux de la rigueur qui sied à une mission de surveillance, hâtif dans ses conclusions non étayées. Pourquoi est-ce les médias français, RFI, AFP et France 24, qui sont ''cadeautés'' pour organiser la fuite sur de larges extraits du rapport ?

 

La Coordination a décidé de ne plus rester silencieuse face à une machine de désinformation et de diabolisation au profit de Ouattara. Elle sait le lourd tribut que le Président Gbagbo et des milliers de ses partisans paient en ce moment à cause de l'instrumentalisation de l'ONU et de la communauté internationale par la France. Celle-ci a coûté sa victoire électorale au Président Gbagbo, sous prétexte qu’il refusait de reconnaître sa défaite ; son bombardement par les forces franco-onusiennes, sous prétexte qu’il massacrait des populations civiles à l’arme lourde ; enfin, son arrestation et sa déportation à la CPI sous prétexte de crimes contre l’humanité. A présent, c’est au tour de ses proches en exil d’être traités de « déstabilisateurs en accointance avec des terroristes de renommée internationale », qu’il faut neutraliser à tout prix pour ramener la paix dans la sous-région. Non, nous ne pouvons pas nous taire devant cette nouvelle pacification et cette mise au pas des pro Gbagbo, pour le règne de Ouattara. Nous nous proposons donc de démontrer dans cette étude que le rapport des experts ne mérite aucun crédit parce que manipulatoire, biaisé et tendancieux.

 

1- La méthodologie d'investigation et les preuves de déstabilisation de la Côte d'Ivoire contre des ''pro Gbagbo''

Sous le couvert d’un rapport de mission de surveillance de l’application du régime des sanctions imposées à la Côte d’Ivoire par la Résolution 1572/2004/CS, le Groupe d’experts a tenté maladroitement et au mépris du principe de « l’innocence présumée de toute personne accusée », d’accréditer la thèse entretenue par le pouvoir Alassane Ouattara, d’une déstabilisation de la Côte d’Ivoire par des « pro-Gbagbo » en exil.

Pourtant, la mission du Comité des sanctions et par extension des experts commis à la surveillance, telle qu’elle ressort de la résolution précitée est simple et se ramène à vérifier et à rendre compte des manquements des Etats, des entités et personnes privées aux mesures relatives ; à l’embargo sur les livraisons d’armes et de matériels connexes (article 7); à l’interdiction de voyage des personnes sous sanctions (article 9) ; et au gel des avoirs financiers (article 11). Nulle part n’apparaît dans la Résolution, une disposition donnant au Comité des sanctions et partant au Groupe des experts, une mission spécifique de sécuriser et de garantir la stabilité du régime de Ouattara. Et, pourtant, le Groupe des experts a livré un rapport à mi-mandat « délibérément biaisé », qui par « volonté de manipulation », va bien au-delà de sa mission et qui procède d’une méthodologie plus que critiquable (voir l'article de Dr. Kouakou Edmond : Rapport du groupe d'experts de l'ONU : un manque de rigueur méthodologique, Le Nouveau Courrier N° 640 du jeudi 25 octobre 2012) .

 

Dans sa méthodologie de travail en effet, le groupe d’experts soutient à chaque fois, avoir cherché à étayer ses affirmations « par des preuves documentaires irréfutables », et, à défaut, « a retenu les seuls faits corroborés par au moins deux sources indépendantes et crédibles » (§ 9). Or, dans le cas d’espèce, en dépit de ces 96 pages d’annexes, en lieu et place d’une preuve documentaire, la liste des personnes indexée a été établie par les experts eux-mêmes, certainement en fonction des informations qui leur ont été communiquées par « leurs sources » et « interlocuteurs », dont on ne peut vérifier ni l'indépendance, ni la crédibilité. Le fait est, que, curieusement, ils semblent distiller les mêmes informations que les officines de Ouattara.

Cette méthode de travail ne surprend plus les observateurs de la scène politique ivoirienne, car, c'est la même qui a été utilisée lors de la confection du document de charges d’Ocampo Moreno, l’ex procureur de la Cour Pénale Internationale, contre le Président Laurent Gbagbo. Matt Wells, chercheur sur la Côte d'Ivoire à Human Rights Watch, le confirme: « le gouvernement Ouattara était prêt à aider la CPI à monter rapidement un dossier contre Gbagbo » (Le monde.fr, le 19 juillet 2012).Et fort opportunément dans le cas du présent rapport, François Soudan, journaliste à Jeune Afrique, vient de révéler que « le rapport des experts de l’Onu a été rédigé à partir d’un document, lui-même, rédigé par les services de M. Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur du gouvernement Ouattara » ( L’alternative du lundi 29 octobre 2012).

Heureusement, le groupe annonce très clairement l'objet de sa mission; la stabilité du régime Ouattara, en précisant: « la multiplication des attaques contre les forces de sécurité... mettent en cause l'entreprise de réconciliation et de stabilisation menée par le nouveau gouvernement »(§3). Il en fait donc sa préoccupation en ayant dans son viseur, les partisans du Président Gbagbo.

Aussi affirme-t-il, de façon péremptoire, que « la présence au Ghana de partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo, qui ne cessent d’œuvrer à la déstabilisation de la Côte d’ivoire, fait craindre que de nombreux groupes armés tentent activement d’acquérir des armes en violation du régime des sanctions »(§4).

Mais le Groupe ne fait qu'affirmer sans produire de preuves au soutien de ce que ce sont les pro Gbagbo qui ne cessent de tenter de déstabiliser la Côte d'Ivoire. Même lorsque le groupe exprime des craintes, c'est toujours pour désigner, par avance, les ''fauteurs de déstabilisation'': « le groupe craint que le sérieux mécontentement de tous ceux qui ont combattu aux côtés des forces de Ouattara... ne profite aux fauteurs de la déstabilisation »(§5). Les mécontents en question, ce sont des combattants issus des groupes armés qui ont aidé Ouattara dans sa campagne militaire contre le Président Gbagbo (rebelles FAFN ; mercenaires de la sous-région; dozos ; miliciens et militants RDR), lesquels clament avoir été mal récompensés. Fort curieusement, le rapport ne les considère pas comme une source possible de déstabilisation du régime, même s'ils l'ont porté au pouvoir, mais comme pouvant favoriser la tâche « aux fauteurs de déstabilisation », les pro Gbagbo. Or, des FRCI sont pointés du doigt, de plus en plus, dans les attaques contre les forces de sécurité. Qu’à cela ne tienne, pour les experts, les déstabilisateurs sont parmi les pro Gbagbo, exilés, au Ghana notamment, ainsi que le déclarent souvent M. Alassane Ouattara et son ministre de l'intérieur, M. Ahmed Bakayoko.

 

Censée donner la preuve irréfutable de ses accusations, l’annexe 8 produit une liste de noms d'un commandement stratégique, qui serait établi au Ghana; mais, sans aucune signature pour l'authentifier, et qui plus est, en anglais. Les pro Gbagbo sont des francophones. Même s'ils sont exilés, pour la plupart, dans deux pays anglophones, le Ghana et le Libéria, ils parlent et écrivent en français.

 

La mise en cause des partisans du Président Gbagbo dans la déstabilisation demeure constante, alors même que les experts admettent ne pas disposer d’éléments de preuve permettant d’étayer leurs affirmations et qu’ils enquêtent « sur l’implication directe ou indirecte d’éléments du réseau dans des violations du régime des sanctions » (§18). Concernant également le financement, ils sont dubitatifs. Ainsi, ils citent des noms de personnes qui « financeraient » (§30) le réseau politico-militaire, qui a organisé des attaques contre les positions des FRCI; ce qui laisse entendre qu’ils n’ont aucun élément de preuve en appui, tant sur les noms que sur lesdits financements.

 

Ne pouvant fournir de preuves à propos d'armes achetées par les exilés pro-Gbagbo, les experts se contentent d'affirmer « qu’ils ne peuvent exclure, que les membres de l’organisation en question cherchent à acquérir des armes et du matériel connexe, le groupe poursuivra ses investigations sur ce sujet » (§32).

 

Pour donner une apparence de vraisemblance aux graves accusations contre les exilés, le rapport entreprend un montage surréaliste à partir d’une réunion imaginaire que ces derniers, répartis en trois groupes politico-militaires, auraient tenue, le 12 juillet, à Takoradi, dans l’optique de déstabiliser Ouattara. A la suite de cette prétendue rencontre, des contacts auraient été établis avec la junte malienne et avec le mouvement djihadiste Ansar Dine, qui occupe le nord du Mali, en vue de joindre leurs efforts pour déstabiliser « le président de la CEDEAO ».

 

Les démentis cinglants apportés par les personnes mises en cause, à la suite de l’émission de RFI, consacrée au rapport des experts, montrent qu’il n’y a jamais eu, ni de réunion de Takoradi, ni de projet de déstabilisation des exilés, partisans de Gbagbo, à partir du Ghana. De même, la junte malienne a démenti tout rapport avec les exilés ivoiriens.

 

Le Groupe poursuit et dit « avoir porté dans la mesure du possible, ses conclusions aux Etats, individus et sociétés concernées, leur ménageant ainsi la possibilité d'y apporter leur réponse ».

 

Qui, parmi les pro Gbagbo en exil et incriminés dans ce rapport, a été approché à cette fin ? Aucun à notre connaissance. Ne leur avoir pas ménagé la possibilité de dire leur part de vérité est contraire à la recherche de faits incontestables, recoupés et donc indiscutables?

 

Enfin, le groupe, donne lui-même, les instruments de mise en doute de son rapport par l'emploi régulier du conditionnel et le recours à des ouï-dire. La vérité, ne l'oublions pas, se fonde sur des preuves, des faits établis et avérés, vérifiés, recoupés et indiscutables et non sur des approximations. Or, le rapport leur tourne le dos :

 

- « Le groupe tient de ses sources qu'il s'est tenu, le 12 juillet 2012, à Takoradi une réunion... »(§ 29).

- « Des individus(...) financeraient le réseau politique et militaire de ceux qui ont mené des attaques d'envergure en 2012 » (§30).

- « Le groupe tient de ses sources que les opérations menées début 2012 ont été planifiées au Ghana et au Liberia et que des fonds acheminés du Ghana au Libéria ».

- « Selon divers interlocuteurs, il s'agit là d'un réseau bien organisé et capable de planifier et de mener des opérations d'envergure (§31), etc.

 

Au total, les éléments de preuve, pour accuser aussi gravement des personnalités de ce niveau, sont très légers. Leur collecte, reposant par ailleurs sur une méthodologie discutable, tout autorise à douter du sérieux du rapport de ces experts.

 

2- Les preuves par les SMS

 

Avec le recours à des SMS interceptés, n'y a -t-il pas une violation du secret des correspondances ? En vertu de quelle procédure cette violation a-t-elle été possible ? De quelle garantie de procédure les mis en cause disposent-ils de ne pas voir ces procédures faire l’objet d’abus ? Pour quelques SMS captés et exploités, combien de pro-Gbagbo ont-ils eu leur correspondance violée ? Qui le fait ? Et que fait-on des autres informations recueillies ? Pourquoi dans sa méthodologie de travail, le groupe n'a -t-il fait aucune mention du fondement juridique de cette violation de correspondance ? Les pro-Gbagbo ont-ils encore droit à une vie privée et à la liberté ?

 

Par-delà l’invraisemblance du rapprochement supposé avec le mouvement Ansar Dine, le seul élément brandi par les experts, à savoir un SMS émis par un colonel anonyme, supposé être un pro Gbagbo, doit être écarté. Le faux a été éventé par Germain Séhoué, un journaliste d’investigation, cité par Benjamin Koré ( Notre Voie N° 4253 du mardi 23 octobre 2012 ): « le numéro de téléphone portable mentionné dans le rapport du groupe d'experts de l'ONU, n'appartient pas à un exilé, mais plutôt à un combattant pro-Ouattara, répondant au nom de ''Colonel'' Sekouba ; combattant ayant mené la lutte dans la commune d'Abobo pour le compte de Ouattara », et avec qui Germain Sehoué était en relation de recherche pour son ouvrage, déjà publié sous le titre « Le commando invisible ».

 

Par ailleurs, un relevé de SMS, pour prouver des liens entre les pro Gbagbo et les islamistes maliens, n'est-ce pas curieux comme preuve irréfutable ? L'évolution de la technologie est telle qu'on peut émettre des SMS, à partir d'un portable ciblé, vers un autre et les mettre au compte de personnes à accuser. Les numéros de téléphone mentionnés sont ivoiriens ( voir l'indicatif pays ), quels sont les numéros correspondant des exilés mis en cause ? Mais, aujourd'hui, de nombreux articles et analyses ont démontré scientifiquement et techniquement que les SMS mentionnés n'appartiennent pas à des partisans du Président Laurent Gbagbo ( voir l'article de Dassi Okpetiblioua: Les grains de sable du rapport d'experts de l'ONU, L'Alternative N° 029 du mercredi 24 octobre 2012 ), mais à un combattant pro Ouattara ( voir l'article de Benjamin Koré : Faux rapport de l'ONU sur les pro Gbagbo, Notre Voie N°4253 du mardi 23 octobre 2012 ) et que le tout procédait de faux ( voir l'article de Ahoua Don Mello : Quand les experts de l'ONU inventent la machine à remonter le temps contre les pro Gbagbo, L'Alternative N° 029 du mercredi 24 octobre 2012 ). Ces documents sont joints en annexes.

 

3- Les pro Gbagbo, un bon fonds de commerce pour les experts

 

Au §11, le groupe évoque des coupes budgétaires dans ses dotations financières, et, il faut bien servir aux décideurs, des raisons solides justifiant des ressources additionnelles. Pourquoi donc ne pas servir le thème des pro Gbagbo, déstabilisateurs et opposés à la paix et à la réconciliation nationale en Côte d'Ivoire ? Un rapport d'enquête à mi-mandat, accablant les pro Gbagbo, est d'abord un moyen solide pour convaincre les bailleurs de fonds d'augmenter les dotations financières. Mais, c'est aussi un bon moyen pour aider Ouattara, puisqu'en s'acharnant, par tous les moyens, sur les pro Gbagbo, le groupe minimise les crimes de Ouattara et des pays l'ayant parrainé: violation de l'embargo sur les armes, le diamant, les contrebandes et les trafics illicites sur l'or, le café, la noix de cajou et le cacao dont des pays comme le Burkina Faso sont devenus de grands exportateurs sans en être des producteurs.

 

4- Une vigilance préventive suspecte contre le CEPAD

 

Pour ce qui est de ce comité de pilotage, qui « se veut un mouvement à vocation diplomatique et politique stratégique, le Groupe d’experts cherche à déterminer si une partie des fonds officiellement collectés a été, ou est, mise au service de la violation des sanctions décrétées contre la Côte d’Ivoire et Laurent Gbagbo (gel des avoirs) ». Ce qui veut dire qu’à ce jour, rien de suspect n’a encore été relevé dans les activités de ce comité. A quoi répond alors la médiatisation de cette vigilance suspecte dont le rapport aurait pu faire l’économie en attendant d’avoir des éléments relatifs à la violation des sanctions décrétées contre la Côte d’Ivoire et les proches du PrésidentLaurent Gbagbo.

 

5- Les impasses du rapport

 

Contrebande de cacao et noix de cajou via le Burkina Faso

 

Les paragraphes 51 à 54, de la section VI-A Finances, évoquent la contrebande de ces produits par le Ghana, mais fait l'impasse sur la contrebande des produits au nord, par le Burkina Faso et qui semble nettement plus importante que celle qui a lieu à l’est de la Côte d'Ivoire par le Ghana. La raison en est que de nombreux Burkinabés ont installé des colonies d’exploitation dans l’ouest du pays, où ils se consacrent à l’exploitation de plantations de divers produits ainsi qu’à leur exportation. S’étant installés en grand nombre, depuis la rébellion, leur activité est nettement plus importante et mieux organisée et bénéficie des complicités des autorités ivoiriennes actuelles pour faire exporter les produits via le Burkina Faso.

Les conséquences de cette contrebande sont d’autant plus importantes qu’elles expliqueraient « la chute constante des recettes publiques » au point de « menacer la santé économique du pays » et que le groupe « ne saurait exclure qu’une partie de ces recettes ait été détournée aux fins de l’achat d’armes ».

 

N’aurait-il pas été plus indiqué de suggérer l’approfondissement de l’enquête sur la contrebande via le Burkina Faso et la colonisation agricole de l’ouest de la Côte d’Ivoire qui est notoirement le fait d'hommes en armes ayant combattu aux côtés des forces pro-Ouattara ?

 

Le groupe estime aussi que le système de taxation illégale, qui continue d’exister au nord en dépit de l’installation des régies financières, pourrait « permettre d’acheter armes et munitions pour « intimider les commerces et la population en général ». Mais, pourquoi uniquement à cette fin ? Pourquoi, ce prélèvement illégal ne pourrait-il pas continuer à financer « la centrale » de l'ex rébellion ou encore l’achat d’armes comme dans le passé ? Pourquoi ne devrait-on pas penser à un fonds parallèle du pouvoir en vue d’acquérir officieusement des armes, de recruter des mercenaires et de financer des milices parallèles, tout en évitant toute traçabilité dans les comptes publics ?

 

Le rapport minimise les violations de l'embargo sur les armes par la France, le Burkina Faso, la Tunisie et le gouvernement Ouattara

 

Alors qu’il ne parle pas ou très peu des violations manifestes et documentées, des mesures imposées par la résolution 1572/2004, particulièrement l’embargo sur les livraisons de matériel militaire (article 7), ou omet d’en tirer les conséquences logiques au plan des sanctions, le Groupe des experts accable sans preuves les exilés proches du Président Gbagbo, qu’il accuse d'avoir « violé ou ayant l’intention de violer » lesdites sanctions. Le rapport, reconnaît, mais, minimise les violations de l’embargo par le Burkina Faso, la France, la Tunisie et le gouvernement Alassane Ouattara.

 

Les violations de l’embargo sur les armes par le Burkina Faso

 

Le rapport, aux paragraphes C24 à C26, fait état de la découverte en Côte d’Ivoire de munitions livrées par la Roumanie au Burkina Faso. Le rapport indique même que c’est de « manière régulière qu’il découvre en Côte d’Ivoire du matériel militaire livré au Burkina Faso ». Il rappelle aussi qu’en 2009, des uniformes militaires livrés au Burkina Faso par le groupe français Marck ont été retrouvés en possession des Forces Armées des Forces Nouvelles (ex-rébellion). Curieusement, le rapport reste évasif quant aux entités ayant reçu le matériel livré en violation flagrante de l’embargo. Il se garde d’indiquer qu’il s’agit des FRCI d’Alassane Ouattara. Plus grave, il ne demande pas au Comité de prendre des sanctions contre le Burkina Faso et les FRCI. Une autre preuve du caractère biaisé et partisan de ce rapport.

 

Les violations de l’embargo sur les armes et le matériel connexe par la France et la Tunisie

 

Le rapport, aux paragraphes A18 à A22, informe que les sociétés françaises Soicex Electronique, Sofexci du groupe Marck, Usmc, et la société tunisienne Dutex ont, courant 2011-2012, en violation de l’article 7 de la résolution 1572/2004, livré au gouvernement ivoirien, du matériel militaire de combat (uniformes, armes de poing) et du matériel connexe (radios, satellitaires). En vérité, tous les Ivoiriens savent, y compris l’ONUCI et par extension le groupe des experts, que sous le couvert des uniformes, ce sont de véritables armes de guerre qui sont régulièrement livrées au gouvernement Ouattara.

Là aussi, le rapport ne fait aucune recommandation contre les Etats et les sociétés fautives. Encore une autre preuve du biais et du parti pris de ce rapport.

 

Les violations de l’embargo par le gouvernement Alassane Ouattara

 

Les paragraphes A18 à A22, B23, C 24 à C26 du rapport ainsi que les annexes, montrent sans discussion, que le gouvernement Alassane Ouattara a importé, en violation de l’embargo imposé par la résolution 1572/2004, du matériel militaire et du matériel connexe. L’attitude du groupe des experts est la même. Aucune recommandation au titre des sanctions ne vise le gouvernement Ouattara. La tolérance, pour ne pas dire la complicité, est encore de mise quand il s’agit de Alassane Ouattara et de son camp.

 

Méconnaissance de la situation à l'ouest

 

Qu’en est-il des accusations portées contre les exilés de recruter des mercenaires et combattants au Ghana et au Libéria, de financer et de planifier des opérations de déstabilisation de la Côte d’Ivoire à partir du Libéria ?

 

Le rapport soutient, sans en apporter la preuve, que des fonds ont été convoyés ou virés au Libéria à partir du Ghana, qu’une personne dans le sud-ouest, en Côte d’Ivoire, recevait régulièrement des fonds d’un responsable en exil au Ghana.

 

La question est de savoir pourquoi les experts tiennent absolument à relier tous les événements qui surviennent en Côte d’Ivoire aux exilés au Ghana ? Pourquoi les experts n’expliquent-ils les attaques survenues à l’ouest que comme s’inscrivant forcément dans un plan de déstabilisation, là où des observateurs neutres et objectifs font une lecture circonstanciée, liant les événements à des conflits fonciers provoqués par l’occupation des plantations et des forêts des autochtones guérés refugiés au Libéria, par des hordes de burkinabés armés venus du Burkina Faso.

 

En effet, les nombreux massacres de Guérés à l’ouest par les mercenaires d’Alassane Ouattara (Guitrozon-Petit Duékoué, dans la nuit du 31 au 1er juin 2005, 141 morts ; Duekoué Carrefour, le 29 mars 2011, 1308 morts ; Duékoué Camp de réfugiés de Nahibly, le 20 juillet 2012, 230 morts), ont eu pour conséquence un déplacement massif et forcé des populations au Libéria (près de 200 000 Guérés originaires des zones de Taï, Guiglo, Bloléquin, Toulepleu et Duékoué). Dans le même temps, on assiste, à un peuplement massif et planifié de cette zone par des populations burkinabés, armés et transférés depuis le Burkina Faso, pour occuper de force les villages, les forêts et les plantations des autochtones guérés, momentanément réfugiés au Libéria.

 

Aujourd’hui, toute cette région est sous le contrôle de chefs de guerre burkinabés, qui ont la main mise sur les terres ainsi que le droit de vie ou de mort sur les populations terrorisées, obligées de se réfugier au Libéria ou de se soumettre, pour ne pas mourir, ou d’abandonner leurs villages pour la ville. Les experts de l’ONU, qui sont si bien documentés sur les combattants ivoiriens et libériens et qui donnent des informations à ce sujet au groupe des experts sur le Libéria, ne feront croire à personne qu’ils ignorent ce drame, ainsi que l’existence de criminels notoires qui y règnent en roitelets:

Ouédraogo Rémi dit Amadé Oueremi à Duekoué (mont Peko);

Issiaka Tiendrebeogo à Taï;

Ouédraogo Jean-Pierre à Blolequin (Tinhou-Diboké);

Le Rougeot dans la Forêt classée du Goin-Debe;

Sana Salifou dans la Forêt classée du Scio;

Issa Ouedraogo à Bloléquin;

Kouanda Lassane à Zagné.

 

Pour être complet, il faut ajouter à ces groupes armés, les FRCI et les dozos fortement présents dans cette zone convoitée pour le cacao. Le rapport ne dit aucun mot de cette situation à la base des heurts fréquents enregistrés entre les populations autochtones massacrées et spoliées et «les occupants burkinabés » soutenus par Alassane Ouattara.

 

Le mensuel français, Le Monde Diplomatique de septembre 2012, a publié un reportage édifiant de Annie Pigeaud, sur le drame des populations guérés de l’ouest ivoirien, menacées dans leur survie. Le titre est assez évocateur: « Un territoire hors de contrôle. La guerre pour le cacao dans l’ouest ivoirien ».

 

Au total, il convient de se demander si l'on peut encore accorder un quelconque crédit à un tel rapport ?

 

Le rapport volontairement muet sur les dérives totalitaires du régime Ouattara

 

Le rapport reflète le parti pris des experts, en faveur d’Alassane Ouattara, qu’ils savent en sérieuse difficulté. Ce dernier n’a aucune solution face au mécontentement généralisé des populations que sa mauvaise gouvernance a engendré: gestion tribale de l’Etat; affairisme au sommet de l’Etat; désorganisation de secteurs sensibles pour la survie des populations; licenciements abusifs massifs des travailleurs sur des bases tribalistes; pauvreté record des populations liée à une incapacité de maîtrise du coût de la vie; insécurité généralisée consécutive à la mise à l’écart des FDS, désarmées, et remplacées par des FRCI et des dozos sans formation; abandon des populations de l’ouest, livrées à la merci des seigneurs de guerre burkinabé; désorganisation de l’école à la tête de laquelle se trouve un ministre d'un niveau scolaire et de culture très bas; justice des vainqueurs et impunité des criminels de son camp, auteurs de massacres et d’exactions au quotidien et pourtant promus ''sauveurs''; atteintes aux libertés fondamentales, d’opinion, d’expression et de manifestation, etc.

 

A tous ces mécontents s’ajoutent, ceux qui, dans son camp, estiment avoir été floués après avoir exposé leurs vies pour le porter au pouvoir. Les mercenaires burkinabé ont, il y a quelques mois, bruyamment et très officiellement, saisi l’ambassadeur ivoirien au Burkina Faso de la question de leurs dus pour activités « de mercenariat » pour le compte de Ouattara, non honorées.

 

Dans leur rapport, les experts au lieu de stigmatiser le recours à ces mercenaires, demandent plutôt, comble d'ironie, qu’ils soient « récompensés pour les services rendus à la cause Ouattara ». On peut leur demander si c’est avec l’argent des contribuables ivoiriens qu’ils ont massacrés, qu’ils devraient être payés? Bonne recommandation de la part d'experts, qui plus est de l'ONU. L'ONU soutiendrait-il donc le mercenariat ?

 

Enfin, l’incapacité de l'armée de Ouattara (les FRCI), à juguler les attaques qu’elle subit depuis quelques mois, achève de convaincre de l'incompétence et de l' impuissance du chef de l'Etat-ministre de la défense. Pour masquer son échec, le régime Alassane Ouattara qui ne veut pas d’une réconciliation véritable entre les Ivoiriens, a choisi la fuite en avant en se réfugiant dans la répression des pro Gbagbo et dans le mensonge à la déstabilisation.

Le rapport examiné tente de lui porter secours en confortant la thèse d’un projet de déstabilisation ourdi par des exilés proches de Gbagbo.

 

 

6- Dénonciation et condamnation du rapport

 

La coordination FPI en exil dénonce et condamne cette énième manœuvre de désinformation-diabolisation dont elle est l’objet et dont elle attribue la paternité à Alassane Ouattara en difficulté.

 

La coordination FPI en exil, réitère qu’elle n’est pas organisée dans le but de déstabiliser la Côte d’Ivoire, et qu’aucun de ses membres ne nourrit une telle intention, ni n’a établi de contact, ni avec la junte malienne, ni avec le mouvement Ançar Dine. Elle affirme qu’aucun de ses membres ne finance des attaques contre la Côte d’Ivoire, à partir du Ghana ou du Libéria.

 

La coordination FPI en exil, voudrait à la lumière du rapport des « experts », s’interroger sur la volonté réelle et sincère de l’ONU à promouvoir la paix en Côte d’Ivoire ou à continuer d’y attiser le feu de la violence ?

La coordination FPI en exil, rappelle que au mois d’avril 2011, les troupes franco-onusiennes ont semé le chaos et détruit de nombreuses vies, simplement parce que le Secrétaire Général de l’ONU a préféré la guerre réclamée par Alassane Ouattara et Nicolas Sarkozy, à la solution pacifique du recomptage des voix proposée par le Président Laurent Gbagbo.

 

La coordination observe qu'en parlant des combattants pro-ouattara, le groupe d'expert admet la normalité de la conquête du pouvoir par les armes dans un Etat démocratique.

 

La coordination fait observer en dernier que le problème de fonds demeure le fait qu'après tant d'années de fonctionnement, toutes les résolutions relatives aux Etats indépendants d'Afrique ne peuvent être initiées que par leurs anciens colonisateurs. Lorsqu'ils sont agressés par l'ex-colonisateur, l'ONU est alors instrumentalisée pour parfaire le coup d'Etat. C'est ce qui vient de se passer en Côte d'Ivoire.

La coordination FPI, après l’installation d’Alassane Ouattara dans la violence, observe :

 

L’inaction de l’ONU face aux dérives dictatoriales du régime Ouattara (entraves à l’exercice des droits et libertés démocratiques), et aux graves et constantes violations des droits de l’homme, commises quotidiennement par ses troupes (FRCI), assurées d’une impunité totale liée à la justice des vainqueurs qui a cours, et à la qualité de sauveurs que le régime leur attribue.

L’inaction et l’indifférence de l’ONU face aux nombreux massacres des populations guérés à l’ouest de la Côte d’Ivoire, à l’occupation et au peuplement organisé de leur région par des burkinabés armés venus du Burkina Faso et soutenus par le pouvoir Ouattara.

 

Conclusion : Interpellation de l'ONU

 

La coordination FPI en exil, rappelant à l’ONU ses devoirs envers les peuples au regard de sa Charte constitutive, voudrait l'inviter :

 

À œuvrer dans le sens de la promotion d’une paix réelle en Côte d’Ivoire fondée sur la vérité et la justice.

À éviter la prise de sanctions et de résolutions contre « les pro Gbagbo », à partir de rapports peu crédibles et peu fiables servis hâtivement par des experts dont le souci actuel est l'augmentation de leurs dotations budgétaires.

 

Il reste donc à espérer que le rapport final qui ne sera produit qu’en avril 2013, sera expurgé de ces allégations qui pour le moment sont sans aucun fondement sérieux et qu’une analyse sérieuse ne permet pas d’accueillir.

 

Dr. Assoa ADOU

Coordonnateur et Porte parole

 

Annexes :

Ahoua Don Mello : Quand les experts de l'ONU inventent la machine à remonter le temps contre les pro Gbagbo, L'Alternative N° 029 du mercredi 24 octobre 2012 .

 

Benjamin Koré : Faux rapport de l'ONU sur les pro Gbagbo, Notre Voie N°4253 du mardi 23 octobre 2012 .

 

Dassi Okpetiblioua: Les grains de sable du rapport d'experts de l'ONU, L'Alternative N° 029 du mercredi 24 octobre 2012.

 

Dr. Kouakou Edmond : Rapport du groupe d'experts de l'ONU : un manque de rigueur méthodologique, Le Nouveau Courrier N° 640 du jeudi 25 octobre 2012.

Publié dans contribution

Commenter cet article