BOHOUN FOR EVER! HÉROS D’UNE ÉPOPÉE INACHEVÉE (Un document à conserver)
INTRODUCTION
Tous les textes qui suivent sont autant de fleurs avec lesquelles nous venons tresser notre couronne à Bohoun Bouabré, notre frère, notre ami, notre camarade.
Ce sont des éclairages ordonnés et convergents pour un héros commun et un horizon partagé.
On pleure pour les vivants, nous rappelait le vieux Loué Téty Gauze. C’est à eux qu’on propose le modèle de vie, les valeurs qui doivent survivre au défunt.
Homme de défi, d’invention et de courage, Bohoun Bouabré fut un chevalier de la cause de l’homme.
Un homme peut mourir et ses idées lui survivre. Cela n’est possible que si les vivants s’y engagent et y disposent leur mémoire.
Nous devons hériter du rêve de grandeur, de l’épopée engagée mais inachevée.
Ce recueil est une manière de pleurer pour arroser l’espérance. Il s’agit de prolonger l’esprit d’indépendance, le souffle de créativité et les valeurs de vie.
Le monde pose des bornes pour brider nos légitimes ambitions. Bohoun Bouabré fait partie des « reculeurs de borne » (A. Césaire)
Il s’agit aussi d’exprimer la gratitude de centaines de milliers de voix qui n’ont pu trouver de place dans ce choeur.
Merci à tous ceux qui ont contribué un mot, une phrase, un refrain ou un chant pour nous aider à dire la geste de Paul Antoine Bohoun Bouabré.
Sery Bailly
L’enfant du Yocolo
Paul Antoine Bohoun Bouabré est né le 09 février 1957 à Niakia de Bouabré Bohoun et de Digbeu Boudou. Comme cela se fait souvent dans la tradition bété, son père a donné au nouveau né le nom de son cousin Bohirébo Bouabré Paul Reboul. Il s’appela alors à l’état civil Bohoun Bouabré Paul. De là « Petit Paul » pour faire la différence entre l’oncle et le neveu.
A partir de 1967, le jeune garçon est venu vivre à Diloboua, son village maternel, où entre temps sa mère s’était installée auprès de ses parents. La situation privilégiée de neveu dont il jouissait a influencé son caractère. Parce qu’il savait ce qu’il voulait, on avait tendance à le prendre pour un enfant têtu. Sans être un enfant timide, il n’était pas très bavard et préférait se taire et même bouder quand il n’était pas d’accord. En grandissant, Petit Paul a gardé des rapports étroits avec son Yocolo natal.
Solou Lucien
Très tôt orphelin de père, il disait avoir appris tout ce qu’il savait par l’observation et la pratique. Il disait aussi que deux personnes l’avaient aidé à devenir l’homme qu’il fut. Ces deux hommes, du clan Bolou-a-Digbeussou des Gnakiéwa, avaient pour noms : Bolou-a-céli, et Nohonèh Zatèkem. Deux hommes, deux éthiques différentes, mais aux buts identiques : le sérieux et la plaisanterie, qui sont aussi deux formes de combat. L’homme sérieux se garde de se laisser aller à l’émotion qui le conduirait à la violence pour régler ses problèmes. Conserver son calme, voilà une attitude sérieuse pour un homme sérieux.
En revanche si le désir de ce dernier est de s’amuser, il doit avoir des partenaires de valeur et s’autoriser à libérer totalement ses émotions, ses pensées. L’homme qui plaisante, se moque, rit, nargue sans laisser de chance à ses adversaires du moment. Ici, on est sur un champ de bataille d’un autre type. Ainsi parlait Nohonèh Zatèkem.
Avec ses deux modèles, on comprend les deux dimensions de Paul Antoine Bohoun Bouabré dont la personnalité ne manquait pas parfois de dérouter.
Dogbo Nahounou
Le temps de la formation
Voici les étapes de son cursus scolaire et universitaire:
1963 à 1967 Ecole Primaire catholique St Louis de Saïoua
1967 à 1970 : Ecole Primaire Publique de Diloboua où il obtient en 1969 le Certificat d’Etudes Primaire Elémentaire (CEPE) et en 1970 son entrée en sixième
1970-1974 : Collège Victor Hugo de Bouaké (6e – 3e)
1974-1977 : Lycée Classique de Bouaké : Baccalauréat série D
1977-1981 : Université d’Abidjan : Faculté des Sciences Economiques avec Licence en 1980 et Maîtrise en 1981
Il est sélectionné parmi les meilleurs étudiants pour bénéficier d’une bourse étrangère et faire un troisième cycle.
1981-1984 Université de Clermont Ferrand : Doctorat 3e cycle en économie
Solou Lucien
Au commencement nous étions étudiants à la faculté des sciences économiques et de gestion (FASEG) de l’Université Nationale de Côte d’Ivoire (UNCI) de 1977 à 1981 où nous avons obtenu tous les deux la maîtrise d’économie. Puis nous nous sommes rendus en France pour des études doctorales. Après l’obtention du doctorat en économie du développement pour lui, en économie et finance internationales pour moi, nous avons entamé une carrière d’enseignant chercheur en octobre 1985 à l’UNCI (FASEG puis Centre Ivoirien de Recherches Economiques et Sociales).
Kouassy Oussou
C’est en 1983 que j’ai fait ta connaissance à Clermont- Ferrand où nous étions étudiants au Boulevard Gergovia (Faculté des Sciences Economiques et Juridiques). Militant convaincu de l’UNEECI-FEANF, ton éloquence assurait ta célébrité quand tes prises de positions te plaçaient parmi les plus modérés de ce mouvement engagé dans la lutte pour la liberté et la démocratie en Côte d’Ivoire. Les « fils à papa » qui étaient inscrits à Clermont-Ferrand après des études secondaires onéreuses au Mont-Dore dans l’un des établissements secondaires les plus chers de France, n’oublieront jamais leur avocat que tu étais auprès de l’aile dure de ce mouvement. En effet, de nombreux militants de l’UNEECI étaient hostiles à ces innocents, car pensaient-ils que leurs parents détournaient les fonds publics pour investir dans leur formation. Avec toi, la section de Clermont-Ferrand était tellement dynamique qu’elle était enviée par les autres. Je voudrais saluer le célèbre militant de la FEANF.
En instance de thèse en économie du développement, quand les travaux empiriques ne t’entraînaient pas à la CNUCED à Genève ou à l’INSEE à Paris, tu passais tes journées dans la bibliothèque interuniversitaire de Gergovia qui était devenue ta seconde demeure. C’est là que tu préparais tes rendez-vous avec le Professeur Sylviane Guillaumont, ta directrice de thèse, c’est là aussi que je te trouvais quand je voulais te voir au lieu de me rendre le soir à la Résidence Universitaire Etienne Dolet où tu résidais. Excellent footballeur, tu apportais un plus à l’équipe des étudiants ivoiriens. Grâce à toi, cette équipe arrachait des victoires précieuses dans l’agglomération clermontoise.
Zogoué Fernand
L’acteur du développement régional
Le Ministre BOHOUN BOUABRE a tenu à donner corps au slogan électoral du Président GBAGBO en 2000, qui disait : « donnez-moi le pouvoir pour que je vous le rende ». Cette restitution devrait se matérialiser par l’autonomie de décision des collectivités locales sur fond d’essor économique de ces localités. Il a créé la Direction Générale du Développement de l’Economie Régionale chargée d’aider les collectivités décentralisées à s’organiser.
Cette organisation passait par la structuration de l’espace économique à travers un schéma national du développement de l’économie régionale. Sur la base de ce schéma, des stratégies de régulation nationale et régionale de l’économie ont été conçues. Un développement intrinsèque durable devant s’affranchir d’un excès de soutien extérieur, le Ministre d’Etat a choisi d’y préparer les régions par des appuis à la mise en valeur de leurs potentialités économiques, sociales, culturelles et institutionnelles pour un développement régional effectif et équilibré.
Il s’employa à faire adopter la déclaration de politique de l’Aménagement du Territoire qui jette les bases de l’égalité de chance entre les régions en indiquant les outils utilisables à cet effet par tous.
Les richesses créées en région grâce à une parfaite organisation de l’économie régionale, devant servir au développement local, le Ministre BOUABRE a instruit la DGDER de concevoir les orientations sur le plan national et régional en matière de développement et d’aménagement du territoire. La coordination de l’application de cette orientation se fait à travers une déclaration de politique nationale d’aménagement du territoire soutenue par un fonds dédié au développement.
En prévision à la mise en place de cette dynamique d’aménagement du territoire, sur instigation du Ministre d’Etat BOUABRE, un Schéma Régional d’Aménagement du Territoire, testé dans la région de San Pedro, ainsi qu’un guide et un manuel ont été conçus puis mis à la disposition des collectivités territoriales. Ce sont autant d’outils dont devront se servir les gestionnaires des collectivités locales pour impulser un développement local durable à leur territoire.
Iritié Bruno
Déjà au sein de ‘association des étudiants du canton Yocolo (AEECY) pendant la période de ses études supérieures à ‘université d’Abidjan, Paul Antoine Bohoun Bouabré a révélé son intérêt pour le développement régional de sa région natale.
De 1995 à 2000, au sein du conseil municipal de Saïoua où il est le premier adjoint au aire, il l’un des catalyseurs de l’action de l’équipe de jeunes cadres qui marqua la transformation de cette localité en ville digne de ce nom. Le lotissement enfin réalisé avec l’ouverture et le reprofilage régulier des rues, l’électrification de la ville, la construction du collège municipal et d’écoles primaires dans les villages du périmètre communal, telles furent, entre autres, les actions marquantes de son équipe.
La campagne présidentielle lui a permis de constater que le retard dans le développement de a sous préfecture de Saïoua par rapport aux autres régions du pays était le même dans l’ensemble du département : réseau de pistes villageoises impraticables, villages non électrifiés, léthargie économique et sociale. Ces réalités l’amènent, après la victoire de son candidat, le président Laurent Gbagbo, à s’investir résolument dans la bataille du développement local. Il donna un signal fort aux populations d’Issia en faisant entreprendre les travaux routiers sur les axes majeurs avec le concours de l’AGEROUTE. Malgré la situation difficile de crise dans laquelle la Côte d’Ivoire se trouvait, il a tenu parole et il a fait électrifier a quasi-totalité des villages.
Le conseil général dont il n’était plus que le conseiller n° 6 a été chargé par lui de s’attaquer aux autres aspects du développement (écoles, santé, routes, hydraulique humaine, développement agricole, social et humain) selon la vision commune.
Bohoun Bouabré n’a pas pu hélas aller au bout de son oeuvre.
Seri Gouagnon
Avec Issia Wazi
Je ne connaissais pas personnellement le Ministre d’Etat Paul Antoine Bohoun Bouabré lorsqu’un beau jour de l’année 2004, il m’a demandé de venir le voir. Vous devez vous douter que j’étais très impressionnée d’être convoquée par l’un des pus grands ministres de l’époque ! Il m’a tout de suite rassurée, indiquant comme on a l’habitude de le faire « Il n’y a rien de grave, je souhaite que reprennes ton activité au sein d’Issia Wazy, car aujourd’hui le club est retourné en division 2 ; alors que lorsque tu e dirigeais tout le monde parlait d’Issia. » Je dois avouer que j’étais réticente, car j’étais alors membre du groupe PDCI à la Mairie. Il s’est un peu fâché et m’a indiqué que son souci à lui c’était que la ville et le département se développent et que, pour cette raison, il souhaitait que chacun, quel qu’il soit, prenne ses responsabilités, et qu’il serait toujours aux côtés de ceux qui s’engageraient pour notre région. Sa fermeté et son enthousiasme m’ont convaincue. Je ne l’ai pas regretté. Malgré les années difficiles qu’a connues notre pays, il est toujours resté attentif aux problèmes rencontrés par le club. Il a agi avec doigté et discrétion pour nous trouver des sponsors et n’a jamais hésité lorsque j’avais besoin d’être soutenue dans des conflits internes. De notre côté, nous avons toujours eu l’ambition de lui plaire et de lui apporter un dérivatif aux soucis liés à ses hautes fonctions. Le souvenir que je garderai toujours de lui, c’est ce grand bonheur de 2006, lorsque nous avons ensemble visité tout e département pour y montrer la coupe nationale que nous avions remportée. Ces jours-là il était le Messie. Tous, depuis les enfants jusqu’aux vieilles femmes, criaient Guissi ! Guissi !
Aujourd’hui nous sommes tous orphelins.
Mais, il faut que nous restions fidèles à son exemple pour que vive Issia !
Ginette Rosse
Le Croyant
J’offre ma souffrance au seigneur pour la conversion de mon époux ». tel est frères et soeurs le voeu exprimé par madame Catherine Bouabré avant son dernier souffle le 30 – 12 – 1998. Cette prophétie s’est réalisée en un laps de temps.
En effet, monsieur Paul Antoine Bohoun Bouabré a exprimé son profond désir de devenir chrétien en 2001. Il a pris attache avec le père Hubert GNAKO alors directeur des O.P.M. qui va l’inscrire à la catéchèse. Quelques années plus tard, vu son assiduité au cours de la catéchèse et aux messes dominicales, il va recevoir les sacrements du baptême et de la confirmation des mains de son excellence Pierre Marie COTY, évêque émérite de Daloa en 2004. Cet acte de haute spiritualité va rapprocher davantage le nouveau baptisé de l’évêque qu’il considère désormais comme son père.
Cette conversion fait de lui un membre à part entière de l’église catholique. Il montrera de bonnes dispositions en participant régulièrement aux messes dominicales et autres solennités à Saint Jean de Cocody et à Saint Jacques des II plateaux. C’est au cours de ces messes qu’il fit la connaissance de Mgr Boniface ZIRI, évêque d’Abengourou autrefois curé de la paroisse Saint Jean de Cocody. Le ministre cherchait toujours à raffermir sa foi en DIEU.
Il profitait toujours de ses nombreux voyages à l’extérieur du pays pour se ressourcer spirituellement en visitant les lieux de pèlerinage en terre sainte, à Fatima, etc.
En effet, Paul Antoine Bohoun Bouabré s’est efforcé de suivre l’Evangile tant bien que mal en développant en lui quelques vertus : simplicité ; modestie ; disponibilité et ouverture d’esprit.
En somme, il avait du respect pour l’homme. Il avait cette capacité d’intérioriser sa souffrance et les frustrations subies pour ne pas gêner ses proches. Il était toujours apte à accepter le pardon qu’on lui demandait avec son sourire habituel qui le caractérisait.
Il était également prompt à faire preuve de charité. Le ministre montrait de la générosité aussi bien à l’égard de l’Eglise catholique que les autres c o n f e s s i o n s religieuses et leurs pasteurs. Ainsi, des paroisses ont quelque fois bénéficié de son concours pour des oeuvres sociales et équipement des chapelles. Il a su garder de bonnes relations avec les serviteurs de Dieu qu’il a connus et qui l’ont côtoyé. Il leur vouait toujours un grand respect et une admiration profonde pour leur choix de vie. Au plus fort de sa souffrance il avait toujours gardé sa foi en Dieu. La mort du ministre Paul Antoine Bohoun Bouabré en terre sainte, à Jérusalem, est symbolique. Cette mort ne le consacre-t-elle pas homme de foi et d’espérance ? Puisse Dieu lui accorder la grâce.
Père PREGNON ANDOCHE
Le rapport à la culture
Il aimait les proverbes. Il en connaissait peu, mais faisait des efforts pour bien user du peu qu’il savait. Les proverbes dans le discours, sont le référentiel efficace d’une intelligence qui sait se tirer d’affaire. Pour cela, Bohoun Bouabré avait une profonde admiration pour les vieux qui étaient de véritables sophistes au cours des assemblées.
Il avait beaucoup lu, notamment Paulo de Coello chez qui il disait trouver d’intelligibles paradoxes propres à alimenter la réflexion. Mais la plus illustre de ses lectures, à mon avis était l’ECCLÉSIASTE, d’où il semblait avoir tiré la mesure de toutes les choses qu’offre la vie : l’orgueil et la fierté, l’argent, le pouvoir, la position, les femmes, les rapports avec les autres hommes.
DOGBO Nahounou
Homme éclairé et ouvert, l’intérêt de Bouabré Guissi s’est étendu à la peinture classique italienne. Cela ne pouvait surprendre car il y allait de notre renaissance à nous aussi, du renforcement de l’homme par Dieu en vue de son émancipation. Dans ce tableau (La création d’Adam) reproduit sur le mur de sa résidence de Saïoua, Michel-Ange ne pouvait combattre pour l’humanité et en exclure l’homme africain. Ce dernier, créé lui aussi à l’image de Dieu, est appelé à participer de sa grandeur. Il ne s’agissait donc pas d’un simple mimétisme mais d’une protestation et d’une revendication.
Sery Bailly
Pour moi, le Ministre d’Etat Bohoun Bouabré est un homme unique à plusieurs titres. Ici je retiens que cet intellectuel de grande envergure n’a pas rompu avec les valeurs de sa tradition, la tradition bété. En effet, ses actes ont toujours été guidés par le respect de l’organisation sociale de son terroir. Pour lui, la soeur appelée « yourougou », doit être traitée avec beaucoup d’égards. Nos sages l’enseignent pour plusieurs raisons. Sa dot sert à marier les hommes de la famille. Ses enfants, les neveux utérins donc, sont ceux qui enterrent leurs oncles. Eminents intercesseurs, ils interviennent dans les querelles les plus difficiles qui les opposent. Enfin, les contributions de son époux étaient très attendues durant les funérailles. Les avis de la soeur comptaient donc pour beaucoup. La « yourougou » a comme un statut de « reine mère » élargi à toutes les soeurs.
En toutes circonstances, il importe de la grandir aux yeux des autres et de lui donner le poids qui doit être le sien. C’est pourquoi, à ses côtés, Bohoun Bouabré m’a accordé une place de choix. Jamais il ne m’a appelée par mon nom. C’était toujours « yourougou kadô » (la grande yourougou) ou dans une version moderne « Lady Dédi ».
Avec sa disparition tragique, c’est un frère disponible, humble, généreux que je perds. C’est un appui de taille qui s’écroule à mes pieds. J’en suis meurtrie et désespérée.
Madame Dédy Adèle,
Le sens de l’amitié
Où sont maintenant les amis ?
En tant que grand frère, il me suffisait qu’il m’appelle Zibodi pour je ressente son affection. Parce j’ai eu beaucoup d’amis, j’en connais l’importance, surtout dans des périodes de crise comme celle que nous vivons où on a besoin de se détendre et de se sentir aimé par des gens dont la présence combat le stress et rassure. L’amitié rend les épreuves plus supportables, le travail plus agréable. Elle permet d’exprimer ses doutes et ses craintes, de cesser d’être une armure et d’assumer son humanité. S’il appréciait les bains de foule, il aimait être entouré de ses amis. J’ai vu qu’il était épanoui en leur compagnie.
Ses amis étaient de toutes les origines, sans considération de race, d’ethnie, de profession ni de parti politique. La crise est si grave dans son impact humain que je me garderai de dire des noms. Mais l’amitié est dans les coeurs et non sur la place publique.
Son amitié se manifestait par les blagues et le rire mais aussi par les petits noms à vocation affective ou une prononciation particulière du prénom. Elle se protégeait des interventions inopportunes. Il ne peut y avoir d’amitié intéressée, même si la solidarité commande d’être attentif à ce qui arrive à l’autre.
Son amitié se consolidait par le respect mutuel, les idées échangées, les joutes oratoires, les tâches partagées et l’agir ensemble, l’exigence de loyauté et de fidélité.
L’amitié se cultive parce qu’elle est fragile et susceptible de rupture, à la différence des liens avec les frères de sang. Dans leur douleur, ces derniers pourraient légitimement se demander « où sont maintenant les amis ? ». Ils se consoleront à l’idée que le nombre élevé des amis de Bohoun Bouabré était un signe de sa grandeur.
Au moment où Paul Antoine s’en va, ses amis sont dispersés par l’histoire de notre pays. Mais l’amitié vient toujours à bout de la distance et elle survit à la mort.
Sery Bailly
L’Enseignant chercheur
Bouabré et moi partagions tout : les matières enseignées, les projets de recherche, les programmes de formations, le bureau à la FASEG, l’appartement où nous résidions, tout, à un point tel qu’on nous appelait les jumeaux. Les matières qu’il enseignait (économie monétaire internationale, banque et bourse, commerce international, etc..) et ses sujets de recherche (finances publiques, protection et compétitivité des entreprises, dynamique des taux de changes et des marchés financiers, la fonction d’importation, politiques commerciales et balance des paiements, les modèles économétriques et les modèles calculables d’équilibre général, etc..) étaient parmi les plus complexes, mais surtout parmi les plus avancés et les plus pertinents pour nos pays. Il était perfectionniste, avait une bonne vision et disposait d’une incomparable capacité de synthèse, ce qui le prédisposait au commandement. C’est cette somme d’expériences qui lui a permis d’animer les programmes de formation dispensés aux élèves de l’Ecole Multinationale Supérieure des Postes et de l’Ecole Nationale d’Administration, et de conduire le programme de renforcement de la gouvernance économique au ministère du plan.
Kouassy Oussou
Bohoun Bouabré était membre des Associations professionnelles suivantes :
- Membre de deux réseaux de recherche : African
Economic Research Consortium (AERC) et Réseau
sur les Politiques Industrielles en Afrique (RPI)
depuis 1987 ;
- Membre fondateur du Groupe de Recherche en
Industrie et Développement d’Abidjan (GERIDA)
- Chercheur associé au Centre Ivoirien de
Recherches Economiques et Sociales (CIRES)
depuis 1997 ;
- Membre du Groupe Interdisciplinaire en Sciences
Sociales (GIDIS-CI), Orstom depuis 1995 ;
- Consultant à la Banque Africaine de Développement
(BAD) depuis 1992 ;
- Formateur au Programme d’Appui à la Gestion
Macroéconomique (sur le thème Finances Publiques
et Politiques budgétaires) et à l’Institut de la BAD
(sur le thème Fiscalité et Politiques Fiscales dans
les pays en Développent) en 1994, 1995 et 1996.
Principales publications de Bohoun Bouabré :
- (1985) : Le coût unitaire de la dette comme
instrument de mesure de la capacité à assurer
son service, Thèse de doctorat en économique de
développement, Université d’Auvergne, Faculté des
Sciences Economiques, Clermont Ferrand I, CERDI
- (1989) : « La crise économique en milieu rural en
Côte d’Ivoire, quelques solutions pour s’en sortir »,
.Mimeo, Université d’Abidjan, FASEG
- (1990) : « The Determinants of Fiscal Deficit and
Fiscal Adjustment in Côte d’Ivoire” Research
Paper N°15, AERC, Nairobi, Kenya (Publié in African
Journal of Economic Policy, Vol 1, Nb 1, Ibadan
June 1994) ;
- (1992) : « La performance des entreprises
industrielles en Cote d’Ivoire, analyse des impacts
des incitations le long des filières agro-
industrielles » ; Document de travail N°1- 1995, RPI ; Codesria, Dakar (à paraître in Revue économique de l’Afrique de l’Ouest, Ibadan et Abidjan) ;
- (1992) : « Quelle option monétaire pour l’Afrique de l’Ouest intégrée » ; Mimeo ; FASEG, Abidjan ;
- (1992) : « Le secteur externe », Rapport sur le
développement en Afrique, Banque Africaine de
Développement (BAD) ;
- (1993) : « Fiscal Adjustment and Growth in Cote
d’Ivoire” ; World Developpement vol. 22 N° 7, juillet, - 1994 ;
- (1993) : « Le marché ivoirien du pagne imprimé »,
Mimeo recherche conjointe, CIRES / ORSTOM
Petit-Bassam, Abidjan ;
- (1993) : « Ajustement monétaire et compétitivité
de l’industrie ivoirienne : cas de la filière textile » ;
Rapport de Recherche ; ORSTOM et CIRES,
Abidjan ;
- (1993) : « Ajustement Budgétaire et dynamisme
des taux de change réel : cas des pays de l’UMOA » ;
Rapport de recherche ; AERC, Nairobi, Kenya ;
- (1994) : « Le taux de change réel du franc CFA :
le poids des pays concurrents dans le modèle
multilatéral », Cahiers Ivoiriens de Recherche
Economiques et Sociales, N° 1-95, CIRES, Abidjan, Cote d’Ivoire ;
- (1995) : « New Techonologies and Export Oriented Industries : A case Study of The Ivorian Economy » ; in S. M. WANGWE (ed) Exporting Africa, NewTechnology, Trade and Industrialization in Sub-Sahara, UNU/INTECH Studies in New Technology, Maastricht ;
- (1996) « Essai d’analyse de la demande d’importation: application à l’économie ivoirienne » ; Revue CEDRES- ETUDES N° 42, Ouagadougou, Burkina Faso ;
- (1996) : « Dévaluation et industrialisation dans
la zone du franc CFA » ; Rapport de recherche, in
Perspectives africaines sur l’ajustement structurel ; CODESRIA, Dakar, Sénégal ;
- (1996) : « Consequences and limitations of Fiscal
Policy and Fiscal Adjustment in Cote d’Ivoire” ;
Research Papers, N°51, AERC, Nairobi, Kenya ;
- (1997) : “The External Debt and Growth in Cote
d’Ivoire: Financial constraints to sustainable
growth”; AERC, Nairobi ;
- (1997) : Compétitivité de l’industrie
Manufacturière
en Cote d’Ivoire et croissance ; OCDE, Centre de
développement, Paris ;
- (1998): “Impact of Foreign Exchange and Financial
Markets Liberalization, Country Case Study : The
Côte d’Ivoire” ; The United Nations University /
World Institute for Development Economics
Research (UNU / WIDER), Helsinki.
L’homme politique
Il a adhéré au Front Populaire Ivoirien en Juin 1990 comme la plupart des cadres de Yokolo. Il a participé activement à l’implantation du parti tant à Abidjan qu’à Yokolo. A ce titre, il fut co-animateur du premier meeting du FPI à Saïoua en juillet 1990.
Membre du bureau de la première coordination FPI de Saïoua à Abidjan dont il a dirigé l’Assemblée élective en Août 1990 à Yopougon. Il fut directeur de campagne aux élections municipales partielles de Saïoua en Janvier 1992 puis aux législatives de 1995. Homme engagé et aux points de vue pertinents, c’est lui qui a été désigné pour représenter la population dans l’équipe intérimaire mise en place par l’Etat à la tête de la commune de Saïoua de 1992 à 1996. Directeur de campagne de Laurent Gbagbo dans le département d’Issia pour les élections présidentielles de Novembre 2000. Il est entré au Secrétariat Général du FPI au congrès de 2001. La liste qu’il dirigeait pour le Conseil général l’a emporté en 2002. Aux élections présidentielles de 2010, il a été DDC d’Issia tout en animant et coordonnant la campagne dans plusieurs régions du pays, bien au-delà du Haut Sassandra.
Solou Lucien
L’homme d’Etat
La démarche du Ministre BOHOUN BOUABRE repose sur cinq piliers :
1 – un diagnostic ciblé, qui consiste à choisir des « zones » à analyser. La pertinence et la parcimonie sont donc préférées à l’exhaustivité. Ce type de diagnostic est d’ailleurs conforme aux prescriptions des Gourous du Management ;
2- la fixation d’objectifs ambitieux, peu nombreux, hiérarchisés et réalistes (après avoir écouté ses collaborateurs) ;
3- la compétence, le principal critère de sélection des collaborateurs ;
4– la qualité de l’organisation, un facteur clé de succès : Bohoun Bouabré savait qu’une bonne organisation favorise la performance souhaitée d’une administration. Il a ainsi choisi une organisation adaptée à l’environnement ivoirien, caractérisé par un haut degré de turbulence et d’incertitude ;
5 – un style de management participatif : ayant choisi ses collaborateurs sur la base de leurs compétences, Bohoun Bouabré leur a fait confiance et leur a donc confié des responsabilités. La délégation était ainsi au coeur de sa démarche managériale.
Au total, le Ministre Bohoun Bouabré nous offre une démarche totalement en phase avec les nouvelles exigences de la gestion des affaires. Les dirigeants ivoiriens pourraient s’en inspirer pour la survie et la croissance de leurs affaires.
Prof Anassé
Quand en 2000 Bouabré entre dans la haute administration en tant que Directeur de cabinet de Koulibaly Mamadou, il a derrière lui 8 ans de formation en économie et 15 ans de pratique d’enseignant, de chercheur et de formateur dans ce domaine. C’était déjà un économiste chevronné. Il devient ministre de l’économie et des finances en 2001. Ceux qui ne le connaissaient pas prédisaient son échec, ceux qui l’appréciaient avaient des appréhensions. Un exemple qui traduit cette angoisse: quelques jours après l’arrivée de Bouabré au ministère des finances, sa belle soeur est venue lui rendre visite à son bureau au 19ème étage de la tour SCIAM. Elle nous a trouvé tous les deux détendus et en pleine conversation. Elle a dit ceci « j’ai pitié, des enfants comme vous c’est sur votre tête qu’on a déposé tous les problèmes du pays ». Mais, nous, nous étions confiants car nous savions que Bouabré, le chef de l’équipe, disposait de tous les atouts pour faire face aux problèmes du pays.
Les réformes qu’il a engagées ont réussi parce qu’elles s’inscrivaient toutes dans des schémas théoriques tout en s’appuyant sur la réalité. Elles ont été soigneusement préparées et présentées avec pédagogie. Le premier cadre de validation a toujours été les réunions stratégiques avec ses principaux collaborateurs, les DGs et son Directeur de cabinet. La méthode Bouabré c’était une large délégation, une concertation constante et un contrôle très strict. Mais il assumait toujours seul toutes les décisions de son département. Rappelons-nous quelques unes de ses réformes majeures dont l’adoption n’a pas été toujours facile.
- Le budget sécurisé est une trouvaille assise sur les principes de sincérité et d’équilibre budgétaire tout en étant une traduction de la philosophie de l’orphelin chère au Président Laurent Gbagbo. Tous les budgets de Bouabré ont été présentés et défendus devant la représentation nationale.
- L’adoption du taux unique et la baisse de la TVA visaient à profiter au maximum de la neutralité et de la réactivité de cette taxe. La facture normalisée, l’informatisation de la douane et des impôts, l’interface entre ces deux régies et entre elles, le trésor et les banques avaient pour objectif la modernisation économique, la lutte contre la fraude et l’élargissement de la base taxable.
- Le refus de privatiser la SIR et de liquider la CAA, devenue BNI, ainsi que la défense ferme de la réforme de la filière café/cacao procèdent de la promotion des secteurs clé de l’économie. Le soutien au développement international du BNEDT et des activités industrielles de la SOTRA était un accompagnement du développement accéléré du pays et de la conquête de marchés extérieurs.
Ce sont toutes les réformes initiées par Bouabré qui ont permis à notre pays de résister et ont ramené la confiance des partenaires financiers tant multilatéraux que bilatéraux. Il avait obtenu courant 2002 déjà les assurances de l’admission de la Côte d’Ivoire à l’initiative PPTE pour 2003. Bouabré a toujours défendu avec succès les réformes et programmes élaborés par ses soins face aux institutions de Brettons Wood (FMI et Banque Mondiale) et à la BAD, avec des arguments solides et théoriquement fondés. Il n’hésitait pas à écrire aux responsables des ces institutions en cas de divergence de fond sur les mesures à prendre ou à demander qu’elles remplacent les interlocuteurs qu’elles lui dépêchaient s’il estimait que ces derniers n’étaient pas assez compétents.
Voilà l’homme, le technicien et le patron : la détermination, la force et la finesse réunies en un, le très grand Ministre, le grand serviteur de l’Etat. Il a placé la Côte d’Ivoire haut, très haut dans l’estime et le respect des Institutions financières et économiques internationales. Notre pays n’aura pas de si tôt un si grand économiste, patriote, compétent et humble. Il savait ce que veut dire construire une économie prospère dans un pays en développement, c’est-à-dire une économie qui ne sacrifie pas les pauvres mais crée plutôt les conditions du bien être et de la richesse pour tous !
Kouassy Oussou
Le passage du Ministre d’Etat Paul-Antoine Bohoun Bouabré au Ministère de l’Economie et des Finances a été marqué par la fortune du concept de « budget sécurisé ». Pour lui, cette doctrine budgétaire nouvelle suggère de gérer les ressources publiques avec responsabilité, honnêteté et efficacité, par l’ajustement des besoins aux moyens. (Rentrée officielle du Ministère, 1er février 2002)
Si ce vocable s’est imposé à tous les autres qui ont été utilisés durant son quinquennat dans ce département ministériel, c’est parce que sans doute celui-ci a été le point de départ de ses réformes en matière budgétaire et que « le budget sécurisé opérait une rupture fondamentale d’avec le passé et introduisait une nouvelle philosophie dans le processus d’assainissement des finances publiques». (Feh Kessé, voeux 2005)
Certes, les différentes doctrines budgétaires se fixaient des objectifs annuels, en fonction de la conjoncture politico-économique. En 2001, le budget sécurisé a été conçu dans un contexte marqué par la rupture des relations avec les bailleurs de fonds depuis le coup d’Etat de 1999 et les problèmes de gouvernance de 1998. Elaboré à la suite du déclenchement de la guerre, le budget de sauvetage de 2003 veut sauvegarder le potentiel économique de la Côte d’Ivoire et assurer la continuité de l’Etat. Dans la même veine, le budget de normalisation poursuit, en 2004, des objectifs de fonctionnement régulier des institutions, quand, en 2005, le budget de stabilisation s’intéresse à la stabilisation de l’économie et de l’ensemble du pays.
Mais au-delà de ces objectifs annuels, ces doctrines avaient un objectif permanent d’assainissement des finances publiques, même si c’est au budget de 2002 que cet objectif avait été expressément fixé. C’est dans ce sens que des réformes ont été introduites à plusieurs niveaux dans la gestion budgétaire et dont les maîtres mots étaient : sincérité budgétaire et discipline budgétaire.
Tano Félix
Les observateurs de la vie économique et sociale en Côte d’Ivoire, mais aussi en Afrique, croyons-nous, s’évertuent à comprendre pourquoi il y avait tant d’acharnement de la part de ce qu’il est convenu d’appeler la communauté internationale contre le Ministre d’Etat Paul Antoine BOHOUN Bouabré.
Au moment où il fallait désigner un nouveau Gouverneur à la BCEAO, alors qu’après maintes batailles tous les Etats concernés ont fini par admettre que le poste revenait à la Côte d’Ivoire, le choix du Président Laurent GBAGBO s’est porté sur le Ministre d’Etat Paul Antoine BOHOUN Bouabré. Mais la France est intervenue auprès des pays membres pour s’y opposer.
Tes frères et amis, cadres du Zanzan
Une stature nationale
La disparition du Ministre d’Etat, Paul Antoine BOHOUN BOUABRE constitue une grande perte pour la région du ZANZAN, région qu’il a tant aimée et pour laquelle il s’est personnellement investit. Cette région l’a à son tour aimé et fait de lui un de ses dignes fils. En effet, celui que les populations appelaient Nanan N’GOSSO Hini (Chef du développement) a fait son mariage avec les populations du Zanzan en 2004, au cours de l’intronisation du Chef de Village de Transua. Depuis lors, il n’avait jamais cessé de répondre aux diverses sollicitations émanant de la région du Zanzan.
Le ministre d’Etat BOHOUN Bouabré a posé de nombreux actes de générosité en faveur de la grande région du Zanzan et de ses fils. On peut citer quelques exemples:
Rôle de médiation pour le règlement du conflit de leadership entre les cadres du Zanzan,
Intervention convaincante mais discrète ayant abouti au retour Trône à Transua,
Soutien constant à la chefferie traditionnelle à l’occasion des grandes cérémonies : funérailles, intronisation de chefs, fête des ignames, voeux du nouvel an, etc.
Appui considérable aux cadres dans l’organisation des activités des fédérations, des sections et des équipes de campagne,
Don de véhicules et de motos aux animateurs du FPI à Transua, Koun-Fao et Assuefry,
Visites à Transua en 2004, à Gouméré avec escale à Tabagne en 2006, à Assueffry en 2007, à Pambasso en 2009.
Ministre d’Etat, BOHOUN Bouabré, illustre fils du Zanzan, tes frères, soeurs et amis du Zanzan souffrent de ta disparition brutale.
Tes frères et amis, cadres du Zanzan.
Le rapport à la presse
Les journalistes l’appelaient affectueusement « BB ». Dans l’accomplissement de son « ministère », ces dix dernières années, « BB » ne savait pas faire la différence entre journalistes de l’opposition et proches du régime de Laurent Gbagbo. A chaque foi que les journalistes économiques ont frappé à la porte des services du Ministère de l’Economie et des Finances puis du Ministère du Plan et du Développement, ils ont pu avoir une réponse à leurs préoccupations. C’est à juste titre, que Paul Antoine Bohoun Bouabré est considéré par beaucoup d’entre nous, comme le précurseur et celui qui a enclenché la démocratisation de l’accès aux sources de l’information économique et financière en Cote d’Ivoire. Ce en tant que successeur digne du Pr Mamadou Koulibaly, son frère jumeau.
Les journalistes spécialistes des questions économiques retiendront de lui qu’il est l’homme des grandes reformes, « le père de la résistance économique » au moment où la Cote d’Ivoire recevait peu d’aide de l’extérieur, et « le parrain des Dg des régies financières issus de l’appel à candidature » avec lesquels il a travaillé en bonne intelligence. Mais il est aussi et surtout, le concepteur du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (Dsrp) qui a pesé pour beaucoup dans l’admission de la Côte d’Ivoire au Point de Décision de l’Initiative des Pays Pauvres Très Endettés (Ppte) Bohoun Bouabré a été un grand ministre de l’Economie et des finances et un Planificateur dévoué du Développement de notre pays. Le patriote jaloux des intérêts de la Côte d’Ivoire a su s’opposer avec détermination à la liquidation de l’ex- Caisse Autonome d’Amortissement (Caa) devenue depuis 2003, la Banque Nationale d’Investissement (Bni) et qui fait la fierté des Ivoiriens.
Bamba Mafoumgbé
La promotion de l’excellence
« Mais qu’a fait l’Afrique de ses porteurs
d’excellence ? Pourquoi notre histoire
étouffe-t-elle notre avenir »
Paul Antoine Bohoun Bouabré
(In Mission de la Fondation Les Amis de l’Excellence,
www.fondationamex.org)
De tous les Hommes de Pouvoir, nous sommes fiers et extrêmement reconnaissants à la fortune d’avoir connu celui-là et d’avoir comptés au nombre de ceux qu’ils considéraient comme ses fils adoptifs. Là où nombre d’hommes politiques sacralisent la valeur ethnique, nous sommes fiers que le Ministre d’Etat ait fait de la recherche et de la récompense de l’Excellence son leitmotiv en le tenant pour le meilleur moyen de construire une Nation solide ; et d’autant plus solide qu’elle sera vue comme Juste.
A-t-il été compris ? Bien sûr que Non ! On ne change pas un pays comme le nôtre en l’espace d’une dizaine d’années. Mais, il a semé et obtenu quelques résultats en guise de promesses. Les jeunes talents ivoiriens qu’il a fait recruter aux fins d’un encadrement spécifique et à la mesure de leurs dons ont offert à la Côte d’Ivoire deux titres consécutifs de champions d’Afrique de Mathématiques en détrônant l’Afrique du Sud qui y était depuis plus de dix ans et ont donné à la Côte d’Ivoire la première médaille d’argent jamais remportée par un pays au sud du Sahara au niveau mondial; s’offrant le luxe de battre des pays comme Israël, l’Espagne et les Pays- Bas, et faisant mieux que la France, la Chine et plusieurs grands pays à leur première participation.
Là où, comme à son habitude l’Afrique Noire s’est toujours jugée elle-même incapable d’aller, le Ministre d’Etat a ouvert le chemin et montré la voie. C’était certainement de la prétention pour les esprits communs, c’était pour lui un devoir de Chef. C’est cette audace qui caractérisait l’Homme, et c’est cet Homme, aujourd’hui entre les mains de l’Impensable, que nous pleurons.
C’est cet Homme que Albéric Kadjo N’gbé, Isaac Konan, Eddy Jaurès Zogbo, Ibrahima Ouattara, Edgar Ibrahim Coulibaly, Anzoua Abissa, Salamy Badélé, Agré Julien Assié, Mamery Diarrassouba et la centaine d’élèves des promotions 2006 à 2010 pleurent. Et nous avec eux.
Isaac Tapé et Sylvestre Konin
L’excellence était pour moi un simple mot qui signifiait : travailler et à la fin se faire employer par l’État, mais voici que je viens à rencontrer un Africain digne de ce nom, qui sans lever le regard sur la religion, l’ethnie ou sur une quelconque appartenance politique m’appelle et me dit: « vole plus haut, regarde là-haut et jauge les cieux, regarde l’infiniment petit et l’infiniment grand pour découvrir que tu n’es différent de l’européen, de l’asiatique, et de quelques autres peuples de quelque continent que ce soit, que de la peau et de l’origine. »
Le ministre nous a appris à désirer plus pour donner plus, à regarder plus loin pour comprendre mieux, à chercher pour trouver, à renoncer pour retrouver. Il nous a appris à creuser le roc et trouver le tuf qu’il scelle. C’est un Homme pas comme les autres, et qui connaissait le sens du mot «Nation» à ne point confondre avec tribu.
Je me souviens qu’il m’a dit : « regarde ce fauteuil ! Demain c’est à vous de vous s’y asseoir et continuer le travail ».
Albéric Kadjo N’gbé
A la Fondation nous n’étions pas seulement une famille. Nous développions un état d’esprit.
Le ministre Bohoun Bouabré a cru en la jeunesse ivoirienne, en ce qu’il y avait des gens de distinction qui attendaient d’être révélés. Il a cru que ces derniers pouvaient bâtir une Côte d’Ivoire meilleure. Il fallait juste leur en donner les moyens.
Les premières années de la fondation ne lui ont pas donné tord. Il a semé. La plante croît lentement.
Mais le jour viendra où ses rêves, ses espérances deviendront réalité. C’est ce pourquoi nous travaillons tous - même si dispersés ça et là - et nous engageons à être les porteurs de ses rêves.
Certes papa, tu nous as quitté, mais tu seras toujours avec nous, dans nos coeurs, dans nos rêves.
Isaac Konan
La dimension internationale
Il est toujours difficille, sans tomber dans le panégyrique complaisant, de parler de l’ami que l’on vient de perdre. La mort possède cette vertu hypocrite de gommer les défauts du disparu. Aussi ne me livré-je à cet exercice que dans des cas, où la valeur de l’homme dont je suis amené à évoquer le souvenir le place à mes yeux, hors des normes du commun.
Paul-Antoine Bohoun Bouabré fait partie de ces exceptions. J’en parlerai donc comme je le sens, avec mon coeur, mais aussi avec l’état de ma raison.
C’est mon ami Léonard Pépé Guédé qui me l’a présenté un jour. D’emblée je fus séduit par la personnalité de cet ivoirien passionnément amoureux de son pays, mais également épris de culture française. N’avait-il pas fait ses études en France, jusqu’à ce doctorat en Sciences Economiques qui en fit le collaborateur recherché des plus hauts dirigeants de son pays ? J’aime les esprits curieux de tout, clairs, précis, qui vont droit au but. Paul- Antoine avait ces qualités, doublées d’une rapidité de raisonnement qui « décoiffait » parfois, mais qu’il savait tempérer d’un trait d’humour, et sans jamais se départir de la plus grande courtoisie. Par expérience personnelle, j’apprécie également les hommes qui ne sont pas totalement absorbés par leurs charges professionnelles, et qui savent se ménager du temps pour leur vie privée, et d’abord pour leur famille. Ce catholique fervent me parlait souvent de ses enfants, nombreux, dont il s’occupait beaucoup. Comme j’essaie de le faire des miens.
Je ne retracerai pas en détail les étapes d’une carrière politique entièrement consacrée au service de son pays et de ses concitoyens, et qui le mena à occuper les fonctions de ministre d’Etat chargé du Plan. D’autres le feront sans doute dans ces pages. Pour ma part, je voudrais insister sur ce qui me paraît l’essentiel, mieux, le sens même de son action.
Comme le Général de Gaulle se faisait une certaine idée de la France, en donnant au mot « certaine » le sens le plus fort, Paul-Antoine Bohoun Bouabré avait une conception très nette des relations qui devaient s’établir entre notre pays et ses anciennes colonies. Cette conception n’avait rien à voir avec la « France Afrique », dont personne n’a oublié les tares ou les méfaits, et dont il n’est pas complètement sûr que toutes les traces aient disparu…. Les régimes corrompus, dont les responsables ne pensaient qu’à grossir leur fortune personnelle au détriment du bien être des peuples, ce n’était vraiment pas son « affaire». Aimant profondément la France, mais jalousement attaché à l’indépendance de la Côte d’Ivoire, il a lutté sans relâche pour assainir enfin des rapports que l’habitude ou la « tradition » avaient pervertis.
Certes, il n’était pas seul à mener ce combat, mais il se montrait peut-être plus sourcilleux que d’autres. Ce qui lui a valu quelquefois des inimitiés ou des animosités, et souvent des incompréhensions, y compris du côté français. Il maintenait cependant le cap, même quand il dut assurer la gestion des affaires du pays à l’époque difficile où la Côte d’Ivoire fut confrontée à une véritable guerre civile. La France avait d’ailleurs eu, à plusieurs reprises, à se féliciter de l’action de Paul-Antoine Bohoun Bouabré, quand il s’était employé, par exemple, en 2004, à faire baisser la tension entre nos deux pays provoquée par la crise dite des « aéronefs », ou à jouer les messieurs bons offices auprès de hauts responsables politiques français.
Mais, comme il s’agit d’un souvenir personnel, j’aurai garde d’oublier la part qui fut la sienne au moment de la renégociation de la dette ivoirienne avec le FMI, car j’en fus le témoin direct. J’avais pu, en cette circonstance délicate, faciliter les contacts de Paul-Antoine avec le Directeur Général du Fonds, Dominique Strauss-Kahn. Au bout de ces démarches, la Côte d’Ivoire devint éligible au programme en faveur des pays pauvres très endettés. J’ai mesuré à cette occasion l’étendue de ses capacités, à la fois comme expert et comme diplomate.
Un homme, un père, un patriote intelligent et ouvert, tel était Paul-Antoine Bohoun Bouabré. La Côte d’Ivoire a perdu un homme d’Etat, la France, un ami, et nous un précieux compagnon des bons et des mauvais jours.
J’ai voulu par ce témoignage lui rendre, hélas de façon posthume, un peu de ce qu’il m’a apporté au fil de nos rencontres.
Pierre WEIL
L’album photo
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MEMBRES DU COMITE D’ORGANISATION
RESPONSABLE DELEGUE-FAMILLE : Christophe BAZO
Présidents : GUIPIE Charles - Mady Mady J. Bertin
Assistants : Adèle DEDI TAPE- Claude ZAGOL
Coordonnateur général : GNATO Zié André
Comité des sages et des Affaires spirituelles : SERI Gouagnon Michel- SOLOU Lucien, Mmes Mady Mady- Christophe BAZO-BOUABRE Jea nne
Comité scientifique
Pr SERI Bailly - DOGBO Nahounou
BLE Théodore-TAPE Dimi-Ambas. DALO Gboagblé-Isaac TAPE
Collaborateurs extérieurs : Madame ASSIE Caroline- Hermann Aman- Kouassy Oussou-Tano - Félix-GUEDE Pépé-Noel GNAGNO-BAMBA Mafoungbé-KORE Valentin
Commission Finances : GUEI Blé Bruno-Lago Modeste-Mmes BAZO C.-BLE Véronique
Commission Protocole : Mady Bouabré- ZOUZOUA R. Wally-Lago Jonas-ZOKOU Omer
Commission Animation : BOIGNON Barnabé-Didier BLEOU-KORE Sébastien
Commission Logistique : BLE Kipré Mexent-KORE Henri
Commission Transport : BISSOUMA Léonard-KAME Guillaume
Commission Restauration : GUEDE Rachelle-ORO Ferdinand-Tagro Jeannette-Bailli Bertine
Commission Santé : Dr SOLOU-Centre de Santé de Niakia
Commission Sécurité : Colonel LORI D. Alfred
Commission Accueil et Hébergement : NAHOUNOU Baguéhi-Solou Lucien-LAGO Jonas
Conseiller Spécial du Responsable des Funérailles : GUERO Laurent