Côte d’ivoire (Sikensi) : Un jeune ivoirien torturé et brûlé par les Frci (image)

Publié le par thruthway

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Bécédi est un gros village de plus de 6000 âmes situé dans le département de Sikensi. Cette bourgade est à la merci des Frci qui y commettent, en toute impunité, des exactions sur les habitants. Yao Ossan Camille torturé, brûlé avec du caoutchouc enflammé le lundi 29 octobre dernier par les Frci (les forces pro-ouattara) comme vous le montre l’image ci-dessus, raconte ce qu’il a vécu.

 

 

N.V. Que s’est-il passé, le lundi 29 octobre 2012, avec les éléments des Frci ?

 

Yao Ossan Camille : Le lundi 29 octobre dernier, je ne me sentais pas bien. Donc je suis allé à la pharmacie pour acheter des médicaments. A mon retour, j’étais en compagnie de deux frères du village. Il s’agit de Sahoré N’Guessan Pascal dit Ben Laden et de Yao Kouamé Michel élève en classe de terminale. De Sikensi à Bécédi, nous avons été arrêtés par des éléments des Frci qui ont vérifié nos pièces d’identité.

 

N.V. : Mais comment un simple contrôle d’identité a pu se transformer en drame au point où vous ayez le visage tuméfié ?

 

Y. O. C. : Les Frci nous ont dit que Sahoré N’Guessan dit Ben Laden est recherché. Ils ont demandé qu’on nous envoie à leur bureau. Mes deux compagnons ont été plus tard introduits dans le bureau des Frci. Je suis donc resté seul. Les éléments des Frci qui étaient avec moi m’ont dit que nous détenons des armes à Bécédi. Je leur ai répondu que je ne sais rien d’une quelconque cache d’armes dans notre village. Je leur ai demandé d’aller se renseigner auprès du chef du village. Qui, à mon sens, est habilité à répondre à toutes ces questions qui engagent le village.

 

N.V. : Et quelle a été leur réaction à votre réponse ?

 

Y.O.C. : Ils m’ont dit que si je ne dis pas la vérité,  ils vont me tuer. Mais je leur ai fait savoir que je ne suis qu’un paysan et que je n’ai aucun contact avec les armes. Après ces éléments Frci m’ont dit qu’on aurait tué des Burkinabé et des Dioula. Je leur ai répondu que je n’ai pas connaissance de tels faits.

 

N.V. : C’était un véritable interrogatoire ...

 

Y.O.C. : Tout à fait. Puisqu’ils m’ont demandé de dire pour qui j’ai voté à l’élection présidentielle. J’ai dit que j’ai voté pour Laurent Gbagbo. Ils m’ont demandé de dire qui a gagné les élections présidentielles et qui est le président de la Côte d’Ivoire. J’ai répondu que c’est Alassane Dramane Ouattara qui est le président de la Côte d’Ivoire. Mais comme je leur avais déjà répondu que j’ai voté pour Gbagbo, alors ils m’ont arraché mon portable et le fouillant, ils ont découvert une photo de Gbagbo et un autre de Didier Drogba. En plus, je tenais un exemplaire du journal Le Temps. Tout cela les a fâchés au point de me demander ce que Gbagbo nous a donné pour le soutenir à Bécédi. Ils m’ont en outre clairement indiqué qu’à Bécédi, les Abidji croient que la terre leur appartient. Avant de dire que la terre appartient à tout le monde à Bécédi.

 

N.V. : Qu’avez-vous répondu ?

 

Y.O.C. : Je leur expliqué que Gbagbo n’a rien fait pour moi personnellement comme tous les autres présidents du pays. Les Frci m’ont demandé si Sahoré dit Ben Laden est milicien. Je leur ai dit que celui que je connais n’est pas un milicien. En plus, je leur ai proposé de poser la question à Ben Laden lui-même étant donné qu’ils nous ont pris ensemble et que ce dernier se trouvait dans leur bureau. Là encore, ils ont menacé de me tuer. C’est en ce moment qu’ils ont commencé à me battre sauvagement avec leurs kalachnikovs. Sur ma tête, au visage, sur mes tibias, j’ai reçu des coups partout. Pire, ils ont placé un couteau sur mon cou en menaçant de m’égorger si je ne dis pas la vérité. Ils ont mis du caoutchouc au feu pour me brûler au cou. Vous voyez ces plaies (il nous les montre. Voir l’image ci-dessous).

 

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N.V. : Comment avez-vous survenu à cette torture ?

 

Y.O.C. : Ils m’ont tellement battu que j’ai perdu connaissance. J’ai pensé que je ne survivrais pas. Dans mon état, ces Frci m’ont déporté dans la brousse et ont sorti un bidon de 4 litres d’essence. Ils me demandaient toujours de leur dire la vérité sur l’existence de cache d’armes à Bécédi et si mon ami Sahoré N’Guessan dit Ben Laden est milicien. Ils s’apprêtaient à verser l’essence sur moi dans le but de brûler vif quand un des leurs qui était en civil est arrivé pour les en dissuader. C’est ce qui m’a sauvé la vie. Ils m’ont pris la somme de 55.750 fcfa que j’avais en ma possession ainsi que les médicaments que je venais d’acheter. Mais ils m’ont remis mon portable.

 

N.V. : Est-ce que le chef des Frci était présent quand ses éléments vous faisaient subir ce traitement?

 

Y.O.C. : Quand leur patron, Hamed Fofana, a vu dans quel état je me trouvais, il est entré en colère. Il m’a même demandé de désigner ceux qui m’ont maltraité ainsi pour qu’il tire sur eux. Mais j’ai simplement dit qu’il n’est pas bon de verser du sang sur la terre de Bécédi. J’ai fait remarquer que ce que je venais de vivre entre dans la réconciliation. Quand on est sorti des locaux, c’est au domicile de Mme Adagra, une militante du Rdr que nous avons été envoyés. Comme cette femme connaît Ben Laden, elle nous a fait à manger. Mais les Frci m’ont dit de ne pas les accuser si j’arrive au village. Ils m’ont demandé de dire que j’ai fait un accident. Actuellement, c’est le chef du village qui supporte les frais de mes soins médicaux.

 

Le Témoignage d’autres victimes des Frci 


Yao Ossan Camille n’est pas la seule victime. Dans le village, les personnes que nous avons rencontrées sont unanimes à reconnaître que les Frci exercent en permanence des violences sur les paysans. Comme Yao Ossan, Yao Kouamé Michel a également frôlé la mort. Il ressort de son pathétique témoignage que les Frci ont tenté de l’étrangler pendant qu’ils lui mettaient un chiffon dans la bouche: « Un élément des Frci a sorti sa kalachnikov et a voulu m’abattre. Ces éléments soutenaient qu’ils m’avaient vu dans les attaques de Dabou et d’Akouédo. Ils m’ont brûlé aux pieds».

 

Ces individus armés soutenaient que des armes étaient cachées dans les plantations d’hévéa. Ces témoignages ont été livrés dans la cour du chef du village de Bécédi devant ce dernier. Ces nombreux faits relatifs au comportement des Frci ont été confirmés par le chef du village, Amani Gbébi Paul. Il a reconnu que des tombes ont été profanées par les Frci viennent de façon imprévue pour demander à procéder à des fouilles dans le village. « Ici, je n’ai pas connaissance de cache d’armes. Nous l’avons toujours dit au préfet et aux Frci. Donc ça ne me gêne pas qu’on vienne faire des fouilles sans me prévenir. Je n’ai rien à cacher dans mon village », estime le chef du village.

 

On retiendra aussi que les Frci ont fait une descente dans un campement la veille de notre arrivée. En effet, selon une des victimes, un instituteur bénévole, dans la nuit du mardi à mercredi 31 octobre, les Frci se sont rendus dans le campement de Blékisso rattaché au village de Bakanou A. Au dire de cet instituteur bénévole, les Frci ont fouillé la maison du pasteur Eli alors qu’il conduisait une veillée de prière. Selon cet instituteur, ils ont défoncé des portes pour emporter des portables et de l’argent.

 

L’enseignant N’Guessan Kré Delorme dit avoir perdu 27.000 fcfa et les Frci auraient emporté aussi 50.000 fcfa d’un boutiquier du campement. Ils ont battu à sang deux jeunes dont un a été tailladé à la machette si on en croit à l’instituteur qui venait de faire une déposition à la gendarmerie de Sikensi. Devant le chef, ils ont souligné qu’il n’est pas rare de voire ces soldats s’inviter dans des campements et plantations pour faire main basse sur les biens des populations qui ne savent plus à qui saint se vouer.

 

B.K.

Envoyé Spécial

Source : Notre voie

Publié dans Droit de l'homme

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